vendredi 25 décembre 2009

Noëls...

C'était hier au soir, pas tout à fait la nuit, pas vraiment la Messe de Minuit, mais presque. Myosotis, son Grand Chêne et le Petit Jardin au complet avaient pris place dans la grande église Saint Raphaël, pleine de messieurs cravatés et de dames en tenue de fête, robes courtes et chaussures légères (elles ne sont pas frileuses, les Américaines). Pas de chorale, mais des musiciens et des solistes de talent. Une décoration magnifique : une jolie crèche à grands santons près de l'autel, des poinsettias roses partout, des bougies, tout ce qu'il faut pour faire Noël.
Mademoiselle Bee, dévouée, s'est portée volontaire pour veiller sur Petit Lierre dans le bocal de verre prévu à cet effet. Petit Sapin, impeccable, et Petit Bouton d'or en belle robe de velours se tenaient près du Grand Chêne. Tout le monde suivait attentivement les beaux chants et la belle liturgie devenue familière. C'est alors que Myosotis est partie...
Dans Les trois messes basses, Alphonse Daudet raconte une histoire de fantômes qui reviennent interminablement célébrer dans les ruines de la chapelle du château de Trinquelage,

tout en haut du mont Ventoux,
les offices de Noël jadis écourtés par la gourmandise de dom Balaguère... Daudet décrit une assemblée étonnante
De belles dames en brocart avec des coiffes de dentelle, des seigneurs chamarrés de haut en bas, des paysans en jaquettes fleuries ainsi qu'en avaient nos grands-pères, tous l'air fané, poussiéreux, fatigués.
Il est vrai que les offices de Noël sont souvent en rivalité avec les tables bien garnies qui appellent la gourmandise... Pourtant, l'inspiration de Daudet pourrait bien venir d'ailleurs... On voit tant de fantômes à la messe de Noël...

Pour la petite famille de Myosotis enfant, la Messe de Minuit était un moment unique dans l'année. Perdue dans l'assemblée compacte des soirs de fête, elle ne voyait que des manteaux tout autour d'elle et les cierges étaient bien loin, dans le choeur. Il fallait attendre la fin pour aller voir de près le petit Jésus déposé en procession par un enfant en aube blanche, dans la crèche montée pour la circonstance. Il y avait la liturgie, qu'elle suivait de son mieux, avec ses textes inoubliables, mais surtout la musique et les chants... Tout cela est revenu avec un cortège de fantômes dans la mémoire et dans le coeur de Myosotis...
L'un des fantômes de Noël chante d'abord Minuit chrétiens, d'une voix tonitruante qui s'élève terrible sous la haute voûte. Puis il y a le long Gloria des Anges dans nos campagnes... Puis les chants plus doux qui invitent à la charité, Ton plus beau cadeau, ton Noël de fête, et encore Il est né le Divin Enfant... Il y a le sourire du sacristain, les saluts de plusieurs vieilles dames, le bonjour vague d'une camarade de classe... L'orgue déchaîné qui répand ses flots d'harmonie somptueuse sur les fidèles pressés de rentrer chez eux au chaud... Et la nuit froide, sur le parvis...

Myosotis a flotté un moment, envahie par les souvenirs. Les activités de Petit Bouton d'or tout occupée de son stylo et de ses papiers l'ont aidée à revenir tout à fait à elle. Et le bonheur de Noël est comme un rocher : même battu par des flots de fantômes, il demeure solide, stable, profondément ancré dans un présent (presque) éternel.
Joyeux Noël !

vendredi 18 décembre 2009

Des vacances...

... des vraies ! Devant la cheminée avec un bon bouquin !
Mais en restant réalistes : ne rêvons pas de grasses matinées (Petit Lierre veille), ne comptons pas sur l'harmonie familiale (Mademoiselle Bee est de plus en plus teenager) et n'imaginons pas que les différents écrans verront diminuer leur pouvoir d'attraction (sauf peut-être pendant les jours de neige, Petit Sapin a déjà préparé sa luge neuve et Petit Bouton d'or le suivra, à moins qu'elle ne le précède ?)...
Alors c'est simplement une pause...
Une pause avec le Grand Chêne, qui s'accorde deux semaines loin du bureau.
Une pause pour jouer les touristes à Washington DC...
Et pour savourer les dernières nouvelles de la grrrrande réforme annoncée dans les lycées français : a priori, malgré les rumeurs alarmantes et les vilaines déclarations hostiles, il ne se passera rien de particulier pour les Langues Anciennes. On va continuer à traverser les années en se félicitant d'intéresser encore quelques élèves, de les aider à décrocher une mention au bac et d'enrichir leur culture personnelle avec les bribes des trésors au programme...

C'est tout simple.
(Honnêtement, vous trouvez qu'il a perdu de son charme, le grand Jules César ? Il a l'air poussiéreux ? Choisi au hasard, comme ça, est-ce que son mâle visage ne donne pas envie de lui laisser au moins une petite place à coté de l'histoire des arts, de l'informatique ou des sciences de l'ingénieur ?)

lundi 30 novembre 2009

13 siècles et des poussières

Un peu d'Histoire :

à la fin du VIIIe siècle, Charlemagne, passionné de savoir et amateur de bien-vivre, confia à Maître Alcuin des charges équivalentes à celles de ministre de la Culture, des Cultes et de l'Éducation. Entre autres choses, Alcuin organisa l'enseignement des Lettres et des Sciences en trivium (grammaire, rhétorique, dialectique) et quadrivium (arithmétique, géométrie, musique, astronomie).
La suite :
13 siècles plus tard, en 2009, le projet de réforme du Lycée prononça la fin de l'enseignement du Latin, désormais réservé aux hypothétiques bacheliers de la série L.

Mais l'Histoire n'est pas encore complètement écrite...

Myosotis n'a pas l'âme d'une fleur de rocaille ou d'un lichen, capable de pousser en beauté sur des ruines. Myosotis aime la vie des beaux textes latins et grecs ; pour elle (armée de son Gaffiot), Rome est éternelle, les cités de Grèce demeurent des centres de pensée féconde et Cicéron, Virgile et Homère ne sont pas morts du tout... Il faut simplement inventer les moyens de les faire lire encore et toujours. Au travail, petite fleur...

lundi 23 novembre 2009

Life is about...

Au fil des années ici, Myosotis a de plus en plus d'anglais dans la tête. C'est naturel... Et c'est aussi une source de réflexions variées, surtout quand on essaie de traduire en français des expressions toutes faites ou des proverbes. Où l'on voit que l'esprit d'une langue (surtout que ce n'est pas à proprement parler l'anglais mais l'américain) peut résister longtemps à celui d'une autre langue...
Et puis il y a les moments de grâce.
Matin de pluie morose sur l'autoroute tout le monde a froid et se tait en regrettant son lit douillet, sauf Petit Lierre encore plein de l'enthousiasme de ses deux ans tout neufs. Myosotis un peu crispée au volant guette les feux verts, s'applique à garder les distances de sécurité et regarde l'heure pour s'assurer que l'on ne sera pas en retard. Au passage, près d'un temple baptiste, les ralentissements habituels lui laissent le temps de lire le panneau sur lequel une maxime de sagesse ou de bon sens remplace souvent les informations. Et voilà :

"Life is not about waiting for the storm to pass, it's about learning to dance in the rain."

Attends, attends, comment on dirait ça en français... ?
Oui, quelque chose comme : Vivre, ce n'est pas attendre la fin de la tempête, c'est apprendre à danser sous la pluie...
Quelque chose comme ça... Avec des verbes d'action là où ils utilisent un nom commun, et vice versa... Jolie formule...
Mais dis-donc, Myosotis, tu ne vas pas t'arrêter à la formule ! Tu as pensé au sens profond de ces mots que tu tournes en tout sens dans ta tête ? Au lieu de réfléchir à leur traduction exacte ou élégante, tu penses à apprendre à danser sous la pluie ?

jeudi 22 octobre 2009

Un tout petit moment dans la douceur d'octobre...


Arbres de mon jardin arbres du voisinage
arbres vous le savez personne n'y peut rien
arbres voici l'automne
et le temps a passé

Demain vous serez là sans feuille sans couleur
arbres vous dresserez vos troncs noirs craquelés
dans le froid dans le vent
dans la pluie solitaires

Vos branches nues au ciel ne porteront plus rien
au fil des jours glacés des brumes des matins
des longues nuits d'hiver
que mes rêves d'été

Arbres silencieux patients et fidèles
merci pour la douceur d'être tout simplement

jeudi 15 octobre 2009

Et pourtant, pourtant...

Myosotis a fait un grand plongeon. Du Latin, encore du Latin, toujours... Avec de (gentils) petits groupes d'élèves clairsemés qui arrêteront dès qu'ils auront le bac en poche. Parmi des (gentils) collègues tout occupés de mille autres choses, qui regardent passer la prof de Latin comme ils contempleraient le dernier des dodos. Avec la conviction de travailler pour la gloire, en étudiant ces textes fondateurs que plus personne ne lit.
Dans le casier abandonné par la collègue partie à la retraite, un vieux Gaffiot sommeillait, doucement appelé à tomber en poussières... Myosotis, dont le Gaffiot est encore en très bon état (pas assez utilisé ?) l'a réparé de son mieux (encore un épisode de la grande série : le Remède serait-il pire que le mal ?) en espérant qu'il servira encore un peu... Il faut garder la foi.


Et pourtant, pourtant, la mort de Socrate racontée par Cicéron, avec ses mots magnifiques et drôles qui évoquent le doux sommeil de la mort et qui trouvent un écho dans le To be or not to be d'Hamlet (Dormir ? Rêver peut-être...)...
Le récit par Tite-Live de l'exploit des Sabines, épousées de force mais devenues si fortes d'êtres épouses...
Les vers si bien pesés d'Horace pour parler de l'amour, Avec toi j'aimerais vivre, avec toi je mourrais volontiers...
Myosotis en s'y replongeant a retrouvé les bonheurs uniques de la Littérature éternelle, celle qui était avant, celle qui a nourri et formé les auteurs des siècles suivants. Avec le bonheur de faire partager tout cela aux élèves qui ont eu le courage ou la faiblesse de se laisser convaincre de continuer.
Il y a là-dedans quelque chose de l'ivresse des cimes, ce que l'on doit éprouver quand se retrouve très haut, tout seul, après de longs efforts, pour contempler le monde avant d'y retourner.

dimanche 27 septembre 2009

Déjà la fin septembre...

... ce n'est pas que l'on soit fâché de le voir se terminer, ce mois de reprise si intense, mais enfin quel tourbillon...
Myosotis est redevenue professeur, c'est à la fois très agréable (des élèves en or, peu nombreux et aimables) et très exigeant (même avec beaucoup d'amour pour la littérature, il faut bien des heures de préparation pour une seule séance). Le Grand Chêne continue à travailler en donnant le meilleur de lui-même (c'est bien connu, le bois, ça travaille). Mademoiselle Bee est bien partie, Petit Sapin est armé d'excellentes résolutions, Petit Bouton d'or y va avec le sourire, Petit Lierre se plaît chez sa nounou...
Et jour après jour, les choses s'enchaînent, et l'on à peine le temps de respirer, de réfléchir, de rêver...
Un rêve du moment ? Trouver un abri, un havre de paix, un espace protégé de tout ce qui blesse ou menace...
On pense un peu à ça (et pas seulement au photographe séduisant qui les a immortalisés) et de fil en aiguille, on repense à ça (Merci Oncle Mike pour la photo)
C'est drôle, le même genre de toit pour préserver un pont des rigueurs de l'hiver ou pour protéger les petites cuisses dodues de la brûlure du toboggan surchauffé par le soleil de l'été. Un petit toit, un petit coin protégé, comme ça, en passant...

lundi 7 septembre 2009

Retour

Myosotis revient de loin. Dans tous les sens du terme.
D'abord, il y a eu un long voyage avec tout le petit jardin en camping-car, très loin, trois semaines sur les routes du Far West (merci Peter pour la photo !) On y a vu des merveilles de toute sorte, auxquelles on s'attendait parfois

et parfois pas du tout : à quoi joue le Créateur ? On est poussé à se poser la question devant certains spectacles naturels... Et en plus ça sent bizarre...

Il y a eu aussi des moments magiques, comme ce voyage au XIXe siècle, le temps de visiter la maison occupée par Laura Ingalls et sa famille pendant le Grand Hiver à De Smet, South Dakota...

Ou la rencontre des quatre présidents choisis pour l'immortalité à Mount Rushmore

Trois semaines d'aventures jusqu'à San Francisco, 2800 miles au volant pour le Grand Chêne qui avait préparé le voyage depuis des mois et qui corrigeait sans cesse le programme pour en améliorer les aspects pratiques... C'est que Petit Lierre n'avait pas toujours envie de rester sagement assis dans son fauteuil, tandis que Petit Sapin et Petit Bouton d'or s'occupaient en jouant !
Quant à Mademoiselle Bee, elle profitait de la chance d'être en convoi avec un second camping-car pour choisir de voyager avec ses parents ou ses grands-parents, selon l'humeur... Et l'on se retrouvait à la faveur d'une pause pour admirer ensemble

ou bien pour s'amuser un peu

Et au fil des jours de route, Myosotis faisait lentement un autre voyage intérieur pour sortir d'une immense lassitude... Tout en se préparant à retrouver des élèves dans un cadre scolaire privilégié... Il faut exhumer pour cela des souvenirs enfouis depuis huit ans... Et s'assurer que l'on n'a pas perdu tout son latin...
Enfin nous y sommes, à ce mois de septembre. Mais après ces semaines étonnantes, plus rien ne devrait jamais être comme avant...

dimanche 19 juillet 2009

Et voilà...

L'été n'est pas si simple, on s'en doutait. Le repos scolaire n'est pas le repos tout court, ni pour le Grand Chêne toujours au travail, ni pour Myosotis qui continue sa tâche au fil des jours, ni pour le petit jardin dont chaque membre invente ses propres moyens de décaler l'heure du coucher, l'heure des repas et surtout l'heure du lever... A l'exception de Petit Lierre, imperturbable lève-tôt.
Mais ils sont gentils, si gentils... Ils comprennent la fatigue, ils veulent bien rendre service... Et puis le Grand Chêne avec son billet doux d'anniversaire... (Myosotis sait maintenant à quoi sert le code de connexion d'un blog : c'est pour en contrôler l'accès... Mais ce code si difficile à mémoriser, c'est le Grand Chêne lui-même qui l'a composé !)
Alors les jours passent, doucement. Et au hasard d'une relecture des Nouvelles Orientales de Yourcenar, il y avait le nom d'une amante fidèle, si triste mais si belle dans sa constance. Myosotis a ramassé ce nom comme un pétal sur le gravier : c'est la Dame-du-village-des-fleurs-qui-tombent.
On fait beaucoup de bruit (hihi !) au sujet de la chute des feuilles... Mais quand un calice alourdi cède soudain ses pétales à la terre, quand la gloire de la plante s'effondre en libérant la branche soudain plus légère de son poids de beauté, quand avant même d'être fanée la fleur gît sur le sol... C'est autre chose alors. C'est plus intime peut-être, plus déchirant aussi. Une merveille faite pour le ciel qui se fracasse en silence...
A moins que, pour une fête, on n'ait voulu une pluie de fleurs pour le plaisir des yeux ? Un tapis éphémère mais inimitable pour honorer un hôte de marque ? Yourcenar n'explique pas ce qui se passait dans le village de la Dame... Il reste simplement son nom. Et Myosotis dont la tête ne se dresse pas bien haut en ce moment se plaît à rêver en le répétant...
La Dame-du-village-des-fleurs-qui-tombent...

jeudi 9 juillet 2009

Noces de...

Puisque j’ai mis mes lèvres à ta coupe encore pleine,
Puisque j’ai dans tes mains posé mon front pâli;
[…]
Puisqu’il me fut donné de t’entendre me dire
Les mots où se répand le Cœur mystérieux;
[...]


Te souviens-tu, Myosotis? Il y a 15 ans aujourd’hui nous nous mariions. Quelle aventure ! Tu m’avais séduit par le pétillant si pur de tes yeux, la douceur de ton visage, ton esprit si vif et ton cœur si pur…

Les vents chassent en vain les chagrins de l'azur
Tes yeux plus clairs que lui lorsqu'une larme y luit
Tes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie

Le grand Poète m’avait bien aidé à te dire mon amour. Après 15 ans nous avons bien changé. La route est sinueuse mais je ne peux l’imaginer sans toi. Tu es toujours aussi belle, Myosotis, et si douce à mes côtés. Pour un jour je t’emprunte ce blog que je suis si heureux de te voir écrire. Tes lectures se sont élargies, tes espaces agrandis, alors à mon tour je puise à nouveau à plus grand que moi pour te redire mon amour


Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre
Que serais-je sans toi qu'un cœur au bois dormant
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre
Que serais-je sans toi que ce balbutiement.

J'ai tout appris de toi sur les choses humaines
Et j'ai vu désormais le monde à ta façon
J'ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines
Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines
Comme au passant qui chante on reprend sa
chanson
J'ai tout appris de toi jusqu'au sens du frisson.

Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre
Que serais-je sans toi qu'un cœur au bois dormant
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre
Que serais-je sans toi que ce balbutiement.

J'ai tout appris de toi pour ce qui me concerne
Qu'il fait jour à midi, qu'un ciel peut être bleu
Que le bonheur n'est pas un quinquet de taverne
Tu m'as pris par la main dans cet enfer moderne
Où l'homme ne sait plus ce que c'est qu'être deux
Tu m'as pris par la main comme un amant heureux.

Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre
Que serais-je sans toi qu'un cœur au bois
dormant
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre
Que serais-je sans toi que ce balbutiement.

Grand Chêne

mercredi 1 juillet 2009

Color Purple

C'est comme une porte qui s'ouvre soudain sur un immense espace : il reste à voir le film (peut-être nettement plus dur...), à lire le livre en anglais (du courage, le parler particulier des personnages n'empêche certainement pas de les comprendre...) et tant de choses à découvrir dans cette histoire pleine de richesses Hier au soir, cadeau d'une gentille amie juste avant son retour en France, Myosotis est allée assister à la première de la comédie musicale installée pour quelques semaines au Kennedy Center, dans la grande salle rouge pleine d'Africains-Américains en tenue de soirée. Ils connaissaient par coeur les répliques (et ajoutaient leurs commentaires au passage), acclamaient la chanteuse dans ses morceaux de bravoure et réagissaient comme un seul homme quand l'émotion explosait (du rire aux larmes, sans aucune modération). Et l'on sentait que ce public faisait partie du spectacle, qui se déroulait à la fois sur la scène et dans la salle...
La vie des descendants des esclaves ; les liens entre ces déracinés et l'Afrique ; les missionnaires, leurs joies, leurs combats et leurs misères ; le bien et le mal dans le coeur des humains ; l'amour, la haine, la fidélité ; la fraternité, le couple, la famille ; le péché, la foi et la souffrance ; la beauté de la création ; le bonheur d'écrire ; la douleur de l'absence... Il ne manque rien dans Color Purple.
Pas même la place pour une petite fleur qui tremblait en écoutant l'héroïne enfin révélée à elle-même chanter de toutes ses forces (et Dieu sait qu'elle en a )

I'm beautiful... I'm beautiful and I'm here !

dimanche 21 juin 2009

Dans le vent

Un vent irrégulier mais doux s'est levé, voilà une pause entre les averses passées et prévues. Sous le ciel presque bleu les branches ont séché et l'on peut jardiner (tailler, couper, ramasser) avec l'aide active de Petit Lierre qui acclame (de loin) la tondeuse et suit (de près) les mouvements du balai ou du rateau.
Quand tout ce que l'on projetait depuis des jours est fini, le Grand Chêne profite également de l'accalmie pour partir faire son jogging. En embarquant un petit passager ravi : bien couvert (lui ne bougera pas beaucoup), Petit Lierre se trouve pour un bon moment dans le vent, c'est-à-dire en plein air et comme ces heureux petits dont les parents continuent en famille leurs activités sportives... Merci Grand Chêne !

jeudi 18 juin 2009

Une brave bête

Il y a de la joie : tout le petit jardin sera en vacances demain (à l'exception du Grand Chêne pour un moment encore...). Mais il est une chose qui ne change pas : il pleut.
Des averses orageuses, drues, interminables, accompagnées d'une chaleur lourde. Sous les nuages gris qui laissent quand même percer des moments de lumière argentée, l'humidité sature l'air extérieur et il faut apprivoiser cette sensation de prendre son tour dans une salle de bain embuée quand on s'aventure dehors... Chaque nouvelle averse paraît redondante : encore et encore, et la terre ne boit plus, et les jardins ressemblent à des rizières, et les caniveaux charrient toute sorte de débris jusqu'au milieu des rues.
Les plus heureux sont les écureuils gris : Myosotis les croyait amateurs de temps sec sous prétexte qu'ils aiment les fruits secs (on se fait parfois des idées comme ça...) mais ils sautillent nombreux sur les pelouses trempées, se poursuivent parmi les branchages mouillés et jouent le long des grands arbres aux troncs luisants...
De leur côté, les oiseaux font montre d'un beau courage et chantent quand même, plus fort pendant les accalmies, sans cesser leur va-et-vient pour nourrir les petits qui restent bien à l'abri.
Dans la nouvelle maison, Myosotis a guetté tout signe d'inondation (la précédente maison et sa pompe capricieuse ont constitué une leçon utile). Rien jusqu'à présent... Mais à force, une bonne quantité d'eau s'est infiltrée au sous-sol, du côté de la rue, là où Petit Sapin avait justement fait remarquer que l'eau formait une vraie piscine dans le jardin. Il a donc fallu éponger un peu... Mais juste un peu, grâce à un renfort inattendu : Pouet-Pouet, le brave vieil éléphant recueilli un beau soir, sur un trottoir de Joinville-le-Pont, par le cher petit Graptor qui rentrait du cinéma ! Pouet-Pouet (aussitôt baptisé par Mademoiselle Bee) qui était un peu troué et qui avait perdu ses yeux... On l'a lavé, reprisé autant que possible, on lui a redonné la vue à l'aide de deux gros boutons et on l'a emmené en quittant la France (c'est mal d'abandonner un animal une fois qu'on l'a adopté)... La brave bête, posée au sous-sol à l'endroit précis où l'eau s'est infiltrée, a absorbé l'essentiel avec son énorme trompe ! Il n'y a plus maintenant qu'à attendre que tout ça s'égoutte dans une cuvette, près du déshumidificateur qui complète le travail... Décidément, un bienfait n'est jamais perdu, et on a souvent besoin d'un beaucoup plus gros que soi...

vendredi 5 juin 2009

Au risque d'être déçue

En littérature, Myosotis se tourne volontiers vers le marbre et le granite. Les Grands auteurs, les Classiques, les Génies estampillés. Ceux qui ont des statues, des places et des rues baptisées de leur nom. Ceux dont les oeuvres complètes peuplent utilement les bibliothèques. Ceux dont les innovations audacieuses (éventuellement mal reçues de leurs contemporains) ont fait des références pour la postérité.
Avec eux, on prend peu de risques. Leurs faiblesses (insuccès, échecs relatifs ou cuisants) sont connues, leurs défauts ont été catalogués, leurs manies sont devenues familières. Cela étant posé, on sait par ailleurs à quoi s'attendre et c'est merveilleux : au détour d'une page ou d'une autre, le livre nous tombera des mains non pas par ennui mais par éblouissement... Comment fait-il ? Comment sait-il ? Comment peut-on dire cela (ce sentiment intime, cet émoi furtif, cette vérité si profonde...) aussi bien, aussi justement, aussi complètement ?
Voilà ce qui arrive en lisant Balzac, Yourcenar, Hugo, Proust... (belle liste ouverte et sûrement interminable)

La lecture des auteurs contemporains (encore bien vivants et écrivant) peut offrir les mêmes éblouissements mais ne s'accompagne pas de la même sécurité.
Voici par exemple quelle surprise attendait Myosotis dans l'avant-dernier roman de Jean Rouaud, La Fiancée juive, page 63 :

Je voulais de grands espaces et du sérieux. J'ai depuis rétréci. Pour mes romans, je n'ai eu besoin que d'une moitié de département. Et on y sourit, parfois.

C'est la reprise d'un texte très proche, dans le petit volume intitulé Régional et drôle, page 13 (et quatrième de couverture) :
(...) je ne le savais pas encore, mais pour mes romans, je n'ai eu besoin que d'une moitié de département, et souvent, entre les lignes, vous n'imaginez pas comme je ris.

L'auteur a tous les droits, y compris celui de se citer lui-même, de se reprendre et d'établir des liens entre ses oeuvres, même sans le dire explicitement. (On attendait pourtant une petite note indiquant simplement "ce texte est déjà paru aux éditions Joca Seria sous le titre...etc.") De plus, il exprime joliment à deux reprises les contradictions internes de son emploi de journaliste régional et drôle.
Mais que faut-il donc penser des deux regards contradictoires qu'il porte sur son oeuvre ? Entre le sourire passager et le rire inimaginable, il y a une différence... Pourquoi cette modification du texte sans la plus petite explication ? Faudra-t-il attendre que Jean Rouaud meure, dûment classifié et estampillé, pour qu'une étude savante vienne lever le doute ?
C'est que Myosotis, encore éblouie par la lecture souvent reprise des 5 volumes du Cycle de Loire-Inférieure, voudrait bien savoir quelle est la véritable nature de ce rire... De qui se moque-t-on ?

mardi 2 juin 2009

Traversées

Il est bien entendu que de réels progrès ont été accomplis depuis Christophe Colomb. Quelques heures (mêmes longues, surtout quand des voisins bruyants ou de mauvaise humeur compliquent les choses...) suffisent pour passer d'un continent à l'autre. Simple formalité.
On a oublié les longs mois d'attente, du temps où l'on découvrait tout juste que la terre était effectivement ronde. On s'amuse des terreurs antiques, de ces croyances obscures fondées sur les récits des marins (monstres et gouffres derrière chaque cap...). On rit des poètes latins qui rappelaient encore au temps de Virgile que prendre la mer, somme toute, allait contre l'ordre des choses et revenait à commettre un sacrilège. On se replonge avec un certain plaisir dans l'angoisse fascinée des voyageurs intrépides dépourvus de carte, de boussole, de gouvernail, qui partaient sur une intuition et avec l'orgueilleux espoir de découvrir un Autre Monde...
Il n'y a pas si longtemps que les voyages aériens ont renforcé cette impression que nous maîtrisons parfaitement à présent tous les mystères de notre petite planète bleue.
Myosotis plus jeune se laissait fasciner par les avions et leurs traînées plus ou moins durables dans le ciel bleu de son enfance... Partir aussi haut, aussi loin, c'était entrer dans une autre dimension. Posséder un passeport, remplir une grande valise, s'embarquer pour ailleurs... Inaccessible, assurément.
Mais un jour, l'expatriation a fait de tels voyages un ingrédient du quotidien. Parmi les autres expatriés qui ont toujours un époux ou un parent en partance ou sur le point d'arriver, pas question d'avoir l'air étonné ou même simplement dubitatif : prendre l'avion est naturel, c'est un amusant privilège, voilà tout. (Les statistiques montrent bien d'ailleurs que les risques d'accident sont sensiblement plus élevés sur l'autoroute...)
Et pourtant... S'élever au-dessus des nuages pour traverser un océan n'est pas, ne peut pas être, ne sera jamais tout à fait anodin. 228 disparus le redisent douloureusement.

dimanche 31 mai 2009

Susan Boyle


Le rêve est terminé... Un peu d'amertume en découvrant que le conte de fée se termine sur une telle fausse note : on a vraiment jugé bon de faire concourir notre petite dame à la voix d'or avec une équipe de danseurs sans aucun point commun avec elle ? Et ils ont gagné (en plus d'un beau chèque) le droit de se produire devant la Reine d'Angleterre ?
Le premier mouvement de déception passé, on réfléchit. C'est le choc de deux univers culturels, à l'image de ce qui se passe dans la vie : ce que je connais, ce que j'aime et qui me fait vibrer, contre ce que je ne connais pas, ce qui me surprend et me fait un peu peur... Un petit effort, je devrais être capable de percevoir la beauté au-delà de la remarquable performance physique de ces jeunes gens pleins de qualités....
Mais l'amertume persiste. C'est que la troupe des gagnants danse sur une musique dans laquelle je ne me reconnais pas du tout, sur une chorégraphie qui m'est totalement étrangère... Et pour déployer leur talent, il leur faut une vaste scène dans une salle de spectacle, le hublot de mon écran suffit à peine à révéler tout leur art. Alors que la voix de Susan Boyle rejoint mon coeur sur un simple clic et y demeure comme un baume bienfaisant. J'emporte dans ma tête ses intonations et son visage si proche... Et le soir, avant d'éteindre l'ordinateur, je retourne sur You Tube deux minutes, le temps de la revoir et de l'entendre encore... Petit moment de pause, comme une tasse de tilleul avant d'aller dormir... Tisane Boyle...
Mais au fait, que chante-t-elle ? Les paroles entendues si souvent étaient pourtant claires dès le premier jour, il ne devrait pas y avoir de surprise...

Now life has killed the dream I dreamed...

Les mots qui charmaient si bien n'ont pas perdu leur sens, il s'agit d'un rêve brisé.
Ce qui n'interdit pas d'aimer encore Susan. Et d'attendre la suite... Il doit y avoir une vie après "Britain's got talent".

lundi 25 mai 2009

Chère Blogosphère

Je viens te remercier pour une première année complète passée à te découvrir et à employer tes services.
Depuis les premiers jours, j'ai gardé le même émerveillement en ouvrant des pages et des pages riches de toutes les surprises. Bien sûr, j'ai eu parfois de mauvaises rencontres mais il m'a suffi de tourner la page et de ne pas y revenir... Tu offres tant de libertés ! A moi de ne retenir que le meilleur.
Sais-tu que grâce à toi, j'ai des blogamies lointaines qui sont très proches ? Que j'ai voyagé comme jamais ? Que j'ai exploré des domaines aussi exotiques pour moi que la décoration, la mode, la couture, la cuisine et le monde des chauffeurs routiers ? Que j'ai passé des heures à lire des inconnues devenues soeurs ? Comme j'aime ces moments d'intimité, ces éclats de bonheur, ces trouvailles, ces oeuvres d'art et de fantaisie, instants de partage si doux qui éveillent des échos, au fil des jours, jusque dans mes occupations les plus banales !
J'ai vécu avec toi de grands moments de peine et de joie, des déménagements, des deuils et des naissances, tout cela fait désormais partie de ma vie. Les découvertes que tu m'offres comme autant de cadeaux sont là, dans la liste de mes promenades, et tu vois qu'elle s'allonge doucement, j'en suis pleine de gratitude et je sais que l'aventure ne fait que commencer.
Au seuil de ma deuxième année, trouve ici l'expression sincère de ma reconnaissance, avec de grosses bises virtuelles mais affectueuses.
Bien à toi,
Myosotis

dimanche 24 mai 2009

Solitudes

Les données sont à peu près identiques dans tous les cas : d'une part, LES AUTRES, d'autre part, MOI. Mais toutes les solitudes ne se ressemblent pas.
Il y a celles que l'on subit, lieux de toutes les souffrances.
Solitude insoutenable du mourant sans secours, du malade délaissé, du prisonnier oublié... Solitude déchirante de l'enfant abandonné... Solitude de l'amoureux éconduit, de l'époux bafoué, de l'ami trahi...
Solitude de celui qui perçoit la présence autour de lui d'une foule de gens auxquels rien ne le relie. Solitude de l'attente vaine, quand aucun bruit de pas ne s'arrête devant MA porte, quand aucune sonnerie de téléphone ne retentit CHEZ MOI, quand la boîte aux lettres ne contient jamais que des imprimés ou des factures... Solitude plus cruelle les soirs de fête, dans ces moments où l'on sait que LES AUTRES se donnent rendez-vous, se retrouvent et s'amusent. Et la cohorte des sempiternelles questions : pourquoi EUX là-bas, ensemble ? Pourquoi MOI, ici ? Qu'est-ce que j'ai fait , qu'est-ce que je n'ai pas su faire pour en être, MOI AUSSI ?

Il y a les solitudes que l'on accepte, avec résignation (quand on ne peut faire mieux et parfois ce n'est déjà pas si mal) ou avec sagesse (à l'école des simples, des philosophes ou des saints).
Solitude du veuf qui trouve chaque matin la force de se lever et de sourire à ses enfants... Solitude du rescapé, de celui qui porte les souvenirs de son épreuve comme un fardeau, mais qui parvient à vivre quand même sans s'acharner à se faire comprendre... Solitude de celui qui subit l'injustice mais qui se tait parce qu'il ne peut rien prouver, rien exiger, rien attendre.

Ces solitudes-là peuvent devenir les plus belles : celles que l'on choisit en toute conscience.
Solitude des veilleurs et des gardiens de phares... Solitude des ermites et des chercheurs d'infini... Solitude de ceux qui ont besoin de temps pour relire les évènements et les pensées d'hier, affronter les réalités et les idées d'aujourd'hui, se préparer aux imprévisibles de demain... Solitude assagie de celui qui a trouvé sa juste place, qui cesse de distinguer entre MOI et LES AUTRES, qui se sait uni à tous et à chacun jusque dans son silence. Solitude soudain pleine de sens. Solitude mystérieusement féconde du moine en oraison, de l'écrivain cloîtré, de la petite vieille qui nourrit les oiseaux ou du pêcheur à la ligne abrité sous son chapeau...
Le Grand Chêne est parti pour une semaine et voilà à quelles méditations se livre Myosotis... Vous imaginez ce qui se passerait si elle avait épousé un sous-marinier ?

mercredi 20 mai 2009

Murmure du temps qui passe

Le quotidien de Myosotis est fait de tâches régulières, simples mais essentielles, avec quelques moments plus intenses durant lesquels différentes obligations se téléscopent et se compliquent mutuellement.
Faiblesse de petite fleur ? Myosotis se dit trop souvent que son petit jardin ressemble à un domaine en friche, cerné par une jungle sauvage où rodent des bêtes hostiles (et laides)...
Cela dit, au fil des jours et des saisons, même sans y penser, on en arrive toujours à un anniversaire. C'est le moment de faire une pause et de réfléchir un peu.
Myosotis vient d'avoir 39 ans... Ce n'est pas encore considérable, pourtant c'est déjà quelque chose. Et quelle joie de mesurer le petit chemin parcouru...
Le Grand Chêne, à cette occasion, s'est surpassé en lui offrant le DVD d'un film de 1992 vainement cherché jusqu'à présent : Avril enchanté. Les meilleurs cadeaux sont peut-être ceux que l'on peut partager :

L'histoire est simple. C'est l'adaptation (réussie) d'un livre (exquis) d'Elizabeth Von Arnim. Il y est question de quatre respectables Londoniennes qui s'offrent des vacances en Italie. Et leurs vacances sont réussies ! Et malgré quelques difficultés au départ, ce mois de soleil parmi les fleurs permet à chacune un épanouissement qui laisse le (la ?) spectateur (spectatrice ?) ébloui (e) et heureux (se)...
Faute de succès commercial sans doute, on n'a pas pris grand soin des qualités techniques de ce DVD... C'est égal, la magie fonctionne tout de même. Et à la fin, quand on se retrouve chez soi devant son écran vide, on est bien...
On respire. On écoute en soi le souffle du bonheur qui vient encore de prouver qu'il existe. On entend le murmure du temps qui passe, avec la douce pensée que l'on va vers un bon port, en dépit de tout...

dimanche 10 mai 2009

Gourmandises

Premièrement : Il a beaucoup plu, il va pleuvoir encore.
Deuxièmement : Mademoiselle Bee passe deux jours dans la nature avec sa troupe de guides.
Troisièmement : Il faut y aller et s'efforcer de rester au sec et de bonne humeur.
Quatrièmement : Mademoiselle Bee apprécie les douceurs...
Conclusion : Les bottes idéales

On n'a pas prétendu qu'elles soient parfaitement en harmonie avec l'uniforme. On ne suppose pas non plus qu'elles permettent de longues marches sur tous les terrains... Mais on s'amuse bien parfois en faisant du shopping, sans même avoir besoin pour cela d'acheter du superflu !

jeudi 7 mai 2009

A quoi bon vivre au mois de mai

Depuis des années, La Mise à mort (édition de poche déjà jaunie) d'Aragon figure en haut de la bibliothèque de Myosotis (ordre alphabétique exige). C'est un peu le déménagement de novembre qui a poussé le petit volume hors de sa place et qui en a fait le compagnon de route des longues semaines de cartons et de déballage... Une page de temps en temps, et encore une rencontre fulgurante avec un grand du XXe siècle, aussi talentueux que déroutant.
Dans La Mise à mort, Aragon réfléchit sur la nature de la littérature, embrouille le lecteur, s'amuse à esquisser des histoires et à se moquer de lui-même (entre autres choses)... Puis donne ici ou là un joyau à admirer, et c'est un éblouissement :

CHANSON

Que sais-tu des plus simples choses
Les jours sont des soleils grimés
De quoi la nuit rêvent les roses
Tous les feux s'en vont en fumée
Que sais-tu du malheur d'aimer

Je t'ai cherchée au bout des chambres
Où la lampe était allumée
Nos pas n'y sonnaient pas ensemble
Ni nos bras sur nous refermés
Que sais-tu du malheur d'aimer

Je t'ai cherchée à la fenêtre
Les parcs sont en vain parfumés
Où peux-tu où peux-tu bien être
A quoi bon vivre au mois de mai
Que sais-tu du malheur d'aimer

De cette lente et longue attente
Où n'est vivre qu'à te nommer
Dieu toujours même et différente
Et de tout moi seul à blâmer
Que sais-tu du malheur d'aimer

Mon coeur m'oublie et je demeure
Comme le rameur sans ramer
N'écoutant que de toi clameur
N'étant que du temps consumé
Connais-tu le malheur d'aimer

En voilà un qui sait parler d'amour, en se jouant des mots et de la syntaxe, en se jouant de tout, excepté de celle à qui il voue les sentiments dont il submerge au passage le lecteur (la lectrice ?) enchanté(e)...
Et voilà qu'il fait bon vivre au mois de mai, malgré la pluie...

lundi 4 mai 2009

Pluies

Ce n'est pas que l'on s'ennuie... Mais si l'on n'y prend garde, un regard par la fenêtre pour chercher vainement une trouée dans les nuages, un frisson parce que l'humidité semble pénétrer insidieusement partout, un regret en voyant les fleurs des rhododendrons ouvrir leurs jolies corolles éclatantes sous les lourdes gouttes qui les assomment, une légère réticence en pensant qu'il faudra s'équiper tout à l'heure (et équiper Petit Lierre) pour ressortir... Et voilà que l'on s'attriste.
Quelques vers de Verlaine reviennent alors sans prévenir

Il pleut dans mon coeur
Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon coeur ?

Et l'on ne sait plus qui a commencé, le coeur qui s'est laissé aller à une certaine mélancolie ou bien la pluie qui l'y a amené ?... En tout cas c'est le blues assuré. Un regard sur la page météo du journal (dont les pages d'informations générales sont carrément déprimantes) n'arrange rien :

Alors, que faire ?
Parmi toutes les solutions possibles dans le temps imparti par la sieste de Petit Lierre, la plus plaisante se cache dans le premier roman de Jean Rouaud, les Champs d'honneur, pages 16 à 26, dix pages de pur bonheur littéraire qui déclinent la pluie sur tous les tons :
Bruine tenace, pluie fine, poudre d'eau, crachin interminable, lent rideau dense, occupation minutieuse de l'espace, grain de traîne, pluies de tempête ou de noroît, limaille ou flèches d'eau,
tout y est, avec les effets de chaque type de précipitation sur l'environnement et sur les habitants de Loire-Inférieure... L'auteur n'a pas refusé le titre de Mozart des pluiviomètres, et il a eu raison, car il le remarque lui-même, c'est quand même Mozart...
Allez, pour reprendre le dessus, on ne s'arrête que sur le plus joyeux des échantillons offerts par notre merveilleux auteur : la pluie printanière
De fait, les premières douceurs sont dans l'air, des serpentins tièdes et parfumés sillonnent l'ambiance encore hivernale des jours qui rallongent (...). Vous êtes si absorbé par cette bonne nouvelle, si ravi de l'approche perceptible des beaux jours, que vous ne remarquez pas qu'au-dessus de vous, en trois minutes, le ciel se couvre, et brutalement, sans crier gare, il pleut. Il pleut avec une vivacité comique, un déluge presque enfantin au son rapide et joyeux. (...) Ce n'est pas la pluie, mais une partie de cache-cache, un jeu du chat et de la souris. D'ailleurs, le temps de reprendre son souffle et le ciel a retrouvé son humeur bleutée. Une éclaircie, vous avez déjà pardonné.
Bien sûr, ça ne s'oublie pas et c'est presque un proverbe, après la pluie, le beau temps ! (Mais pour affronter le contenu des pages d'informations générales du Washington Post, il faudra trouver autre chose...).

jeudi 30 avril 2009

Faire à nouveau connaissance

La première fois, c'était en septembre. Les arbres jaunissaient, l'arrière-saison sèche et pas encore fraîche n'enlevait rien pourtant au charme de ce qui allait devenir notre maison. Le jardin semblait aussi net que l'intérieur, après 32 ans de soins attentifs prodigués par les précédents propriétaires. De quoi faire réfléchir un moment... Pouvions-nous faire aussi bien qu'eux, moquette blanche immaculée dans le salon, buissons taillés à la loupe et gazon coupé aux ciseaux à ongles ?
L'état de la moquette n'est plus une question, la petite tribu de Myosotis s'en occupe comme prévu et c'est tant pis (ou tant mieux), du moment qu'il y a de la joie.
Dehors, les choses suivent un autre cours... La belle saison est arrivée avec ses surprises, il faut tout redécouvrir et faire à nouveau connaissance avec notre home : là ou l'on pensait avoir vu des (sortes de) buis, les fleurs d'azalées explosent, plus nombreuses que les feuilles... Là où l'on savait un vieux lampadaire à gaz dissimulé sous une montagne de lierre (du vilain étouffant et hostile, rien à voir avec Petit Lierre si mignon), on a pu faire place nette et raccommoder la pelouse si bien que d'ici peu on oubliera qu'il y a avait là autre chose. Et d'autres buissons fleurissent alentour... Ecureuils et petits oiseaux animent le décor... On va laisser la loupe et les ciseaux à ongles, pour un premier printemps c'est déjà très bien comme ça !

jeudi 23 avril 2009

L'essentiel est invisible pour les yeux

La vie n'est pas un rêve. Au contraire, la dure réalité travaille chaque jour à nous ramener à elle.
Pourtant parfois surviennent des instants, des étincelles, des échappées vers l'idéal. Et l'on se reprend à rêver. Ce n'est pas vraiment notre faute... C'est que la beauté, la douceur, l'harmonie reviennent obstinément battre les portes de notre coeur, comme des vagues inattendues qui explosent soudain à deux pas de la promenade et nous laissent aussi incrédules que trempés. On n'y croyait plus, on n'y pensait pas, on avait autre chose en tête, et puis la fatigue...
Mais voilà...
Avez-vous écouté Susan Boyle sur You Tube ? Cette fois, ils sont nombreux ceux qui soudain en reviennent à croire au merveilleux oublié dans un coin... Dans un univers plein de vanité, où l'on rencontre surtout convoitise et déceptions derrière les parures et les sourires brillants, Susan Boyle est entrée, son sourire et sa voix étourdissante ont désarmé les critiques. La vague de son succès déferle, planétaire. Encore une histoire de Cendrillon, Peau d'âne et Vilain petit canard... Un conte merveilleux comme on les aime...
De même, avez-vous lu L'élégance du hérisson ? Une sorte de Susan Boyle

petite, laide, grassouillette, concierge semi-débile à Paris, rencontre un monsieur d'une soixantaine d'années, fort présentable et fort japonais. Il est plutôt petit, mince, le visage ridé mais très net.
Et c'est le coup de foudre. Parce qu'ils ont la même passion pour la beauté de la langue et des choses. Parce qu'il sait déceler en elle les trésors qu'elle prend soin de cacher. Parce qu'elle ne peut pas les cacher si bien qu'elle le voudrait aux yeux d'un observateur si avisé, prince charmant exceptionnellement doué.
Ce que Susan Boyle offre à la télévision en toute innocence, Muriel Barbery l'a construit, développé, enrichi de son érudition et de son amour pour la culture japonaise. Mais c'est toujours la même histoire, le même bonheur qui fait déborder les yeux du public frissonnant : derrière les apparences décevantes, au-delà de la réalité terne et froide, quand le trésor enfin décelé se laisse admirer, tout devient possible... Au moins le temps d'un rêve. Myosotis aime bien y croire...
On ne voit bien qu'avec le coeur.

(Merci, Lysiane, pour les premières de ces fleurettes que vous ne regardez pas comme des mauvaises herbes, n'est-ce pas ?)

dimanche 12 avril 2009

Un billet pour Father Bill

La fin du carême, la Semaine Sainte, les beaux offices du Triduum, on fait de son mieux pour être prêt... On aime les petits lapins et les oeufs décorés (les petits américains ramassent dans leur jardin, au lieu de chocolat, de jolis oeufs en plastique remplis de bonbons) mais on cherche à aller au-delà...
Et soudain, tout prend un sens différent : le curé de notre paroisse américaine, Reverend G. William Finch, Father Bill plus simplement, est mort subitement juste après la messe du Jeudi Saint. Il avait célébré joyeusement ses 55 ans la veille. Il venait d'achever une célébration joyeuse entre toutes quand il est tombé dans son église, entouré de paroissiens et de confrères prêtres qui ont eu le temps de lui administrer les derniers sacrements. C'est une belle fin...
Le jeune prêtre épuisé mais souriant qui l'a remplacé pour les offices suivants a bien insisté sur la joie de vivre qui animait Father Bill et sur notre devoir à présent : il est évidemment interdit d'être triste. Merci, Petit Bouton d'or, de nous ramener à l'essentiel :

mercredi 8 avril 2009

Quoi ? L'éternité

D'abord le temps qui passe, très vite, parfois un peu trop. Mille tâches humbles, répétées mille fois, douceurs et amertumes du train-train, petits soucis et gros bobos, bisous câlins et pain quotidien.
Puis le temps qui change. Printemps qui n'en finit pas de se déclarer, aller-retour de froid et de grand vent qui ont abîmé la parure de Cherry Blossom, la grande fête annuelle des cerisiers en fleurs. Les jolis pétales ont volé partout pour finir dans la boue au coin des maisons, tandis que les frondaisons blanches et roses faisaient place très vite aux bourgeons verts des feuillages nouveaux.
Puis le temps des retrouvailles avec Maman Jardinette venue passer Pâques de ce côté de l'Atlantique. Que de fils à renouer pour se retrouver... On se promet de partager des moments agréables, on va jouer aux touristes et pour commencer on choisit de visiter une exposition d'Ikebana. On a organisé la sortie, après la conduite à l'école de Petit Sapin et Petit Bouton d'or pas encore en vacances, en misant sur la bonne volonté de Petit Lierre probablement privé de sa sieste habituelle. Mademoiselle Bee déjà en vacances mais fatiguée accepte la promenade et se désigne d'elle-même reporter-photographe, on prépare l'itinéraire et le snack de Petit Lierre et on y va.
L'Arboretum s'éveille doucement après l'hiver, il fait froid. On trouve le pavillon des Bonsaïs, on y est pour de bon.
Un coup d'oeil rapide dans la salle d'exposition permet de supposer que Petit Lierre peut y gambader librement, d'aimables bénévoles semblent partager cet avis, on commence à regarder...
Et soudain, l'éternitéDe petits morceaux d'éternité, tenus en équilibre sur les branches délicates
Des compositions d'éternité, un peu de fleurs et beaucoup d'harmonie
Un immense sentiment de bien-être né d'une surprise
















ou d'un petit éclat de perfection
Le temps de respirer

Elle est retrouvée.
Quoi ? - L'éternité.

vendredi 27 mars 2009

Happy again

En Bretagne, ces jours-ci, il y a des crocus... des cerisiers fleuris... des camélias...des mimosas... Toute sorte de merveilles que Peter et Lysiane prennent le temps de photographier pour en faire partager la beauté... (Merci !)
Et il y a aussi un Papa marin qui vient d'apprendre qu'il est guéri, une petite famille qui sort de la tempête et une Maman pleine de talent qui ouvre un nouveau blog pour fêter ça. Comme c'est bon de se réjouir avec eux, et de regarder les fleurs comme autant de promesses des beaux jours à venir !
Le mois de Mars tire à sa fin, il a été riche en émotions pour conclure ce rude hiver

Puis, lorsque sa besogne est faite
Et que son règne va finir,
Au seuil d'Avril, tournant la tête,
Il dit : Printemps, tu peux venir !

vendredi 20 mars 2009

Car-pool et un enterrement

La merveilleuse (si si) école américaine de Petit Bouton d'or et de Petit Sapin n'a qu'un défaut, commun avec la grande majorité des écoles américaines : son car-pool.
A priori, car-pool signifie quelque chose du genre : on se regroupe à plusieurs dans un même véhicule pour partager les frais et réduire les encombrements. Dans les faits, il s'agit d'un moment intense au cours duquel un grand nombre de gros véhicules (généralement une voiture par famille, des minivans en majorité, voire plus gros...) convergent vers un parking pour y attendre (rangés sur six lignes) les enfants qui sont alignés en bon ordre à côté. On va chercher sa progéniture, on rejoint sa voiture sans tarder et on installe chacun. Puis on attend le coup de sifflet de départ. Si l'on arrive un peu trop tard pour se ranger dans les lignes, on attend la deuxième vague pour prendre son enfant.
Or aujourd'hui, un léger défaut d'organisation a permis que le car-pool du vendredi midi coïncide avec la sortie d'un enterrement. L'église est juste à côté de l'école et partage le même parking. Le défunt dont on célébrait les funérailles était visiblement très connu et apprécié, si bien que ses nombreux proches et amis occupaient déjà la totalité dudit parking quand les parents d'élèves se sont présentés pour s'aligner comme stipulé dans le règlement de l'école.
Myosotis n'aime pas beaucoup conduire, a horreur du car-pool et ne savait pas trop quoi faire. Elle a donc garé (comme les autres et très correctement) sa voiture le long de la voie d'accès, en attendant d'autres consignes. Petit Lierre a faim à cette heure-là et devait prendre son petit repas tout préparé. Mais un maladroit est alors venu rayer la portière de la voiture de Myosotis en cherchant à se faufiler avec son pick-up Chevrolet Silverado (!) Myosotis désolée a soudain pris conscience de ce qui l'attendait : remplir des papiers d'assurance pour obtenir réparation, fixer un rendez-vous chez un carrossier et résoudre le casse-tête pour concilier la réparation avec les conduites à l'école... Le maladroit avait beau lui répéter "relax, relax..." et se faire très gentil en écrivant ses coordonnées sur un papier, c'était un vilain coup pour le moral...
Mais le pire était encore à venir. Tandis qu'une foule en deuil sortait peu à peu de l'église sur le parvis, le défunt (qui s'est révélé d'origine écossaise) a été accompagné vers sa dernière demeure au son d'une cornemuse solitaire dont les accents déchirants se sont répandus sur le car-pool battu par le vent d'un mois de mars encore peu printanier...