dimanche 21 juin 2009

Dans le vent

Un vent irrégulier mais doux s'est levé, voilà une pause entre les averses passées et prévues. Sous le ciel presque bleu les branches ont séché et l'on peut jardiner (tailler, couper, ramasser) avec l'aide active de Petit Lierre qui acclame (de loin) la tondeuse et suit (de près) les mouvements du balai ou du rateau.
Quand tout ce que l'on projetait depuis des jours est fini, le Grand Chêne profite également de l'accalmie pour partir faire son jogging. En embarquant un petit passager ravi : bien couvert (lui ne bougera pas beaucoup), Petit Lierre se trouve pour un bon moment dans le vent, c'est-à-dire en plein air et comme ces heureux petits dont les parents continuent en famille leurs activités sportives... Merci Grand Chêne !

jeudi 18 juin 2009

Une brave bête

Il y a de la joie : tout le petit jardin sera en vacances demain (à l'exception du Grand Chêne pour un moment encore...). Mais il est une chose qui ne change pas : il pleut.
Des averses orageuses, drues, interminables, accompagnées d'une chaleur lourde. Sous les nuages gris qui laissent quand même percer des moments de lumière argentée, l'humidité sature l'air extérieur et il faut apprivoiser cette sensation de prendre son tour dans une salle de bain embuée quand on s'aventure dehors... Chaque nouvelle averse paraît redondante : encore et encore, et la terre ne boit plus, et les jardins ressemblent à des rizières, et les caniveaux charrient toute sorte de débris jusqu'au milieu des rues.
Les plus heureux sont les écureuils gris : Myosotis les croyait amateurs de temps sec sous prétexte qu'ils aiment les fruits secs (on se fait parfois des idées comme ça...) mais ils sautillent nombreux sur les pelouses trempées, se poursuivent parmi les branchages mouillés et jouent le long des grands arbres aux troncs luisants...
De leur côté, les oiseaux font montre d'un beau courage et chantent quand même, plus fort pendant les accalmies, sans cesser leur va-et-vient pour nourrir les petits qui restent bien à l'abri.
Dans la nouvelle maison, Myosotis a guetté tout signe d'inondation (la précédente maison et sa pompe capricieuse ont constitué une leçon utile). Rien jusqu'à présent... Mais à force, une bonne quantité d'eau s'est infiltrée au sous-sol, du côté de la rue, là où Petit Sapin avait justement fait remarquer que l'eau formait une vraie piscine dans le jardin. Il a donc fallu éponger un peu... Mais juste un peu, grâce à un renfort inattendu : Pouet-Pouet, le brave vieil éléphant recueilli un beau soir, sur un trottoir de Joinville-le-Pont, par le cher petit Graptor qui rentrait du cinéma ! Pouet-Pouet (aussitôt baptisé par Mademoiselle Bee) qui était un peu troué et qui avait perdu ses yeux... On l'a lavé, reprisé autant que possible, on lui a redonné la vue à l'aide de deux gros boutons et on l'a emmené en quittant la France (c'est mal d'abandonner un animal une fois qu'on l'a adopté)... La brave bête, posée au sous-sol à l'endroit précis où l'eau s'est infiltrée, a absorbé l'essentiel avec son énorme trompe ! Il n'y a plus maintenant qu'à attendre que tout ça s'égoutte dans une cuvette, près du déshumidificateur qui complète le travail... Décidément, un bienfait n'est jamais perdu, et on a souvent besoin d'un beaucoup plus gros que soi...

vendredi 5 juin 2009

Au risque d'être déçue

En littérature, Myosotis se tourne volontiers vers le marbre et le granite. Les Grands auteurs, les Classiques, les Génies estampillés. Ceux qui ont des statues, des places et des rues baptisées de leur nom. Ceux dont les oeuvres complètes peuplent utilement les bibliothèques. Ceux dont les innovations audacieuses (éventuellement mal reçues de leurs contemporains) ont fait des références pour la postérité.
Avec eux, on prend peu de risques. Leurs faiblesses (insuccès, échecs relatifs ou cuisants) sont connues, leurs défauts ont été catalogués, leurs manies sont devenues familières. Cela étant posé, on sait par ailleurs à quoi s'attendre et c'est merveilleux : au détour d'une page ou d'une autre, le livre nous tombera des mains non pas par ennui mais par éblouissement... Comment fait-il ? Comment sait-il ? Comment peut-on dire cela (ce sentiment intime, cet émoi furtif, cette vérité si profonde...) aussi bien, aussi justement, aussi complètement ?
Voilà ce qui arrive en lisant Balzac, Yourcenar, Hugo, Proust... (belle liste ouverte et sûrement interminable)

La lecture des auteurs contemporains (encore bien vivants et écrivant) peut offrir les mêmes éblouissements mais ne s'accompagne pas de la même sécurité.
Voici par exemple quelle surprise attendait Myosotis dans l'avant-dernier roman de Jean Rouaud, La Fiancée juive, page 63 :

Je voulais de grands espaces et du sérieux. J'ai depuis rétréci. Pour mes romans, je n'ai eu besoin que d'une moitié de département. Et on y sourit, parfois.

C'est la reprise d'un texte très proche, dans le petit volume intitulé Régional et drôle, page 13 (et quatrième de couverture) :
(...) je ne le savais pas encore, mais pour mes romans, je n'ai eu besoin que d'une moitié de département, et souvent, entre les lignes, vous n'imaginez pas comme je ris.

L'auteur a tous les droits, y compris celui de se citer lui-même, de se reprendre et d'établir des liens entre ses oeuvres, même sans le dire explicitement. (On attendait pourtant une petite note indiquant simplement "ce texte est déjà paru aux éditions Joca Seria sous le titre...etc.") De plus, il exprime joliment à deux reprises les contradictions internes de son emploi de journaliste régional et drôle.
Mais que faut-il donc penser des deux regards contradictoires qu'il porte sur son oeuvre ? Entre le sourire passager et le rire inimaginable, il y a une différence... Pourquoi cette modification du texte sans la plus petite explication ? Faudra-t-il attendre que Jean Rouaud meure, dûment classifié et estampillé, pour qu'une étude savante vienne lever le doute ?
C'est que Myosotis, encore éblouie par la lecture souvent reprise des 5 volumes du Cycle de Loire-Inférieure, voudrait bien savoir quelle est la véritable nature de ce rire... De qui se moque-t-on ?

mardi 2 juin 2009

Traversées

Il est bien entendu que de réels progrès ont été accomplis depuis Christophe Colomb. Quelques heures (mêmes longues, surtout quand des voisins bruyants ou de mauvaise humeur compliquent les choses...) suffisent pour passer d'un continent à l'autre. Simple formalité.
On a oublié les longs mois d'attente, du temps où l'on découvrait tout juste que la terre était effectivement ronde. On s'amuse des terreurs antiques, de ces croyances obscures fondées sur les récits des marins (monstres et gouffres derrière chaque cap...). On rit des poètes latins qui rappelaient encore au temps de Virgile que prendre la mer, somme toute, allait contre l'ordre des choses et revenait à commettre un sacrilège. On se replonge avec un certain plaisir dans l'angoisse fascinée des voyageurs intrépides dépourvus de carte, de boussole, de gouvernail, qui partaient sur une intuition et avec l'orgueilleux espoir de découvrir un Autre Monde...
Il n'y a pas si longtemps que les voyages aériens ont renforcé cette impression que nous maîtrisons parfaitement à présent tous les mystères de notre petite planète bleue.
Myosotis plus jeune se laissait fasciner par les avions et leurs traînées plus ou moins durables dans le ciel bleu de son enfance... Partir aussi haut, aussi loin, c'était entrer dans une autre dimension. Posséder un passeport, remplir une grande valise, s'embarquer pour ailleurs... Inaccessible, assurément.
Mais un jour, l'expatriation a fait de tels voyages un ingrédient du quotidien. Parmi les autres expatriés qui ont toujours un époux ou un parent en partance ou sur le point d'arriver, pas question d'avoir l'air étonné ou même simplement dubitatif : prendre l'avion est naturel, c'est un amusant privilège, voilà tout. (Les statistiques montrent bien d'ailleurs que les risques d'accident sont sensiblement plus élevés sur l'autoroute...)
Et pourtant... S'élever au-dessus des nuages pour traverser un océan n'est pas, ne peut pas être, ne sera jamais tout à fait anodin. 228 disparus le redisent douloureusement.