mardi 30 mars 2010

Pour dire les derniers jours de MARS

Il faudrait parler de l'espoir, l'espoir d'avoir chaud enfin, de tendre le visage vers le soleil et de ne plus avoir à se protéger du vent...
Il faudrait décrire les bourgeons, feuilles à venir, promesses de fleurs, brindilles fragiles mais bourrées de sève que les averses abattent sur le sol...
Il faudrait évoquer la joie de revoir les écureuils gris courir sur les troncs gris, d'écouter le tapage des oiseaux dans les branches et de compter les premiers crocus...
Ces sentiments mêlés de lassitude et de bonheur timide, c'est Verlaine qui les dit à merveille :

...C'est le printemps sévère encore,
Mais qui par instant s'édulcore
D'un souffle tiède juste assez
Pour mieux sentir les froids passés...

jeudi 11 mars 2010

les grands V

Il ne reste de la neige que de petits tas noirâtres au coin des rues. On se demande encore comment ces flocons légers ont pu élever des murs autour des maisons, abattre des arbres et rendre le quotidien si compliqué...
Le Grand Chêne est parti au bout du monde. La vie doit continuer sans lui, mais comment fait-il pour prendre tant de place même quand il n'est pas là ?
Les soirées sont encore froides, on fait du feu dans la cheminée quand on en prend le temps, et quand les flammes s'éteignent, à l'heure des braises qui palpitent en rubis derrière la petite porte du foyer bien clos, on pourrait rester là, s'endormir dans le fauteuil avec un livre serré sur le coeur...

Alors quand revient le matin, quand il faut sortir tout le petit jardin de son lit et de la maison, prendre la voiture et se joindre au cortège inévitable des autres, sur l'autoroute, ce n'est pas vraiment la joie. On cherche à entretenir une conversation avec Mademoiselle Bee peu disposée à écouter autre chose que sa radio préférée, on demande à la cantonade si tout va bien, on vérifie que Petit Bouton d'or s'est munie d'une couverture le temps de se réchauffer, on surveille Petit Sapin impassible tout au fond... Seul Petit Lierre se manifeste et commente la présence d'un camion ou l'absence de tractopelle, mais il finit par se taire aussi...
Dans la grisaille et les bruits de moteurs, parmi les branches nues des arbres et des broussailles du bas-côté, le regard accroche plus facilement les détritus abandonnés dans la boue par la fonte des neiges que les rayons timides du soleil levant qui fait ce qu'il peut derrière les nuages.
Mais soudain, dans un coin du ciel, un grand V, immense... Des oies sauvages ? Peut-être... De grands oiseaux, en tout cas... Un vol bien dessiné, qui se désagrège et se reforme sans cesse, comme une vague qui avance vers le nord (la boussole de la voiture le confirme). On le sait bien, c'est le moment, et d'ailleurs les chants d'oiseaux ont repris dans les arbres du voisinage. Rien d'étonnant donc, les migrateurs reviennent. Mais que c'est beau !

A ne plus regarder la terre... A laisser le ciel emplir tout l'espace, envahir nos yeux et nos coeurs... A oublier tout ce qui n'est pas là haut... Guetter s'il vient encore d'autres grands V, s'en émerveiller entre deux arrêts pour un feu rouge, prendre en quelque sorte notre envol et porter sur aujourd'hui un autre regard...