samedi 24 décembre 2011

Noël à Nagasaki

Il y a des lectures qui tombent bien...
Requiem pour Nagasaki de Paul Glynn raconte la vie et la mort de Takashi Nagai, médecin pionnier de la radiologie que l'on surnomme le Gandhi japonais. Il avait déjà contracté une leucémie à cause de son travail avant d'être victime des radiations de la bombe A... Profondément croyant, il a fait de son expérience personnelle l'occasion de compléter ses travaux scientifiques tout en donnant un témoignage spirituel exceptionnel.
Le livre est jalonné de moments intenses, chargés d'une portée symbolique qui résonne à travers les années...
Ainsi, lors de l'explosion de la bombe A sur Nagasaki le 9 août 1945, la cathédrale se trouvait à l'épicentre. L'une des tours fut décapitée et sa coupole projetée au loin avec sa cloche, fêlée et inutilisable. L'autre tour s'effondra sur elle-même en un tas de gravats. Tandis que la vie s'organisait parmi les ruines, Takashi Nagai (malade, blessé, devenu veuf) et ses amis travaillaient de leur mieux pour soigner et soutenir les survivants.

Alors que le mois de décembre approchait, (ils) se dirent qu'il valait peut-être la peine de chercher la cloche sous les décombres. (Ils) se mirent au travail pour déplacer la montagne de gravats et, à la fin de la matinée du 24 décembre, ils aperçurent le sommet de la cloche. Ils prirent leur repas, puis récitèrent le chapelet à la suite de Nagai. Enfin ils se remirent d'arrache-pied au travail, dégagèrent les côtés de la cloche sans trouver de fêlure. (On) construisit un appareil de levage et parvint à soulever la cloche ; elle semblait en état. Une fois qu'ils eurent terminé de fixer la cloche sous un trépied de poteaux en cyprès, il faisait déjà noir ; il était six heures du soir et ils décidèrent de sonner l'angélus.
(...) A cette heure-là, (les chrétiens du quartier) se préparaient à prendre un maigre repas dans leurs cabanes, sans attendre rien d'autre qu'une morne messe de minuit dans le hall calciné de l'hôpital Saint-François. Soudain, un vrai miracle transforma l'obscurité de l'hiver. L'angélus nostalgique ! Le carillon de la cloche était d'autant plus clair qu'il n'y avait pas de grands bâtiments dans ce faubourg de cabanes. Il leur semblait que la cathédrale renaissait de ses cendres pour annoncer la naissance du Christ.

(Takashi Nagai intitula le premier livre qu'il projetait d'écrire : Les Cloches de Nagasaki.)

Que le carillon de Noël résonne profondément dans votre coeur et ranime en vous l'espérance pour chaque jour (et chaque nuit) de l'année à venir.

samedi 17 décembre 2011

Une étape

Par choix (donner à chacun la possibilité d'aller dans l'école qui lui convient) et par nécessité (ici, les rares personnes qui marchent le long de la route font l'objet de la curiosité générale, à moins d'être équipées pour la marche sportive), Myosotis passe beaucoup de temps en voiture.
Même les jours où il n'y a pas d'accident, c'est un peu pénible à la longue. Mais c'est parfois aussi distrayant... Le long de l'autoroute, on peut par exemple s'amuser à faire la liste des objets égarés sur le bas-côté : chaussures, vêtements, casques de chantier, coussins, étagères, fauteuils, canapés, matelas... (On se demande comment certains objets ont pu échapper à l'attention de ceux qui les transportaient...)
La voiture est aussi un lieu privilégié où l'on se retrouve, après une longue journée d'école, assis, attachés côte à côte, ce qui constitue une bonne occasion de parler un peu...
En tout cas, cette semaine, l'évènement a eu lieu sur les cadrans du tableau de bord. On est passé de ceci :


à cela :


100 000 miles ! 170 000 kilomètres !

Ce n'est pas toujours Myosotis qui la conduit, mais c'est quand même une brave voiture... Alors elle a reçu une décoration spéciale, avec la reconnaissance de tout le petit jardin

Grâce à cet autocollant, chacun peut désormais constater que l'heureuse famille propriétaire du véhicule susdit se compose d'un Papa col blanc, d'une Maman qui lit, d'une grande fille qui aime la musique, d'un grand garçon qui fait du skate-board, d'une petite fille qui fait de la gymnastique, d'un petit garçon amateur de locomotives et d'un lapin.
Les autres automobilistes y seront-ils attentifs ? Et si cela faisait sourire un peu ceux qui suivent de trop près, pressés de dépasser pour foncer plus loin ?

dimanche 4 décembre 2011

Hiérarchiser les informations

Le Grand Chêne est en Afrique du Sud, pour cette conférence sur le changement climatique dont ne peut pas sortir un véritable accord (tout le monde est d'accord sur cette impossibilité de fait) mais dont les à-côtés portent des fruits moins médiatiques, moins éclatants et pourtant positifs...
Pendant qu'il va sauver le monde, Myosotis se débrouille avec le Petit Jardin.
Il y a les sautes d'humeur de Mademoiselle Bee (qui fait de gros efforts malgré tout...). Il y a le caractère réservé de Petit Sapin (qui prend soin de parler davantage et de rendre service...). Il y a l'évanescence de Petit Bouton d'or (qui réapparaît parfois, sans prévenir...). Il y a les questions incessantes de Petit Lierre (assorties de remarques et revendications diverses...). Tout cela, au fil des jours, accompagne en toile de fond les conduites entre les 4 écoles, les tâches ménagères, les courses et les cours particuliers de français que Myosotis donne ici et là.
Les journées sont longues et le Grand Chêne n'a pas beaucoup de temps pour donner des nouvelles ni pour lire les e-mails familiaux. Aussi, quand par hasard Myosotis apprend qu'il a téléphoné au moyen de Skype alors qu'elle n'était pas là, elle veut tout savoir et elle interroge le premier participant à la conversation qui est à sa portée. C'est Petit Lierre...
- Alors, tu as parlé à Papa qui est en Afrique ?
- Oui !
- Il va bien ? Tu l'as vu avec la caméra ? Tu lui as parlé ? Qu'est-ce qu'il a dit ?
- Il sait jongler avec des quilles !
- ... ?
(Ce sera tout ce que l'on obtiendra comme nouvelles pour cette fois...)

samedi 19 novembre 2011

Il est parti avec un rêve...

C'était inimaginable et bien sûr personne n'était prêt à affronter ça...
Pourtant c'est arrivé : il avait un peu plus de 25 ans, il aimait à la folie le Moyen-Age, la chevalerie et les jeux de rôles. Il se voyait sérieusement maître-artisan, maréchal-ferrand ou ferronnier...
Il a partagé ses études d'histoire, ses rêves et ses jeux avec sa bande d'amis.
A la fin de l'été, il est allé passer deux jours à faire revivre une fois encore son univers de prédilection, en tenue de chevalier, avec d'autres compagnons d'armes et de jeux... Et de retour chez lui, il a ressenti les premières attaques d'un mal violent qui s'est avéré mortel, malgré tout ce que l'on a tenté pour le sauver.
Du soir de septembre où il est tombé malade à ce jour de novembre où sa bande d'amis s'est retrouvée autour de sa tombe, les semaines se sont succédées, cruelles, avec des moments d'espoir ténu (le sauver quand même...) et de longues étapes d'agonie. Son amie, sa famille, ses copains, vont devoir apprendre à vivre avec l'horrible bête gluante, griffue et brûlante du deuil implacable qui se loge partout et interdit pour longtemps le bonheur.
Nicolas est parti avec son rêve. Aujourd'hui, pour ceux qui le pleurent, poursuivre son rêve ensemble est peut-être le meilleur moyen de rester un peu avec lui. Comme si voyager dans le temps offrait aussi une porte sur l'Au-delà...

lundi 14 novembre 2011

Et maintenant, la guerre !

Oui, un vrai combat, plein de hargne et d'hostilité : puisque les milliers d'oiseaux qui vivent alentour ne font rien ; puisque les coccinelles se font rares (une seule, d'une couleur bizarre, aperçue tardivement sur le champ de bataille) ; puisque les attaques des daims et autres rongeurs ont déjà semé bien des ravages... Myosotis prend les choses en main et se propose d'occire sans pitié la colonie de pucerons qui a envahi sa clématite !
C'est que ladite clématite a l'air toute dolente... Une vraie pitié... Elle avait déjà perdu toutes ses feuilles centrales... Et voilà qu'on la trouve couverte de sales petites bestioles d'un vert agressif, tellement nombreuses que le seul fait de s'approcher pour voir conduit à se retrouver soi-même porteur du parasite.
Mais ça ne va pas se passer comme ça. Internet parle d'eau additionnée de produit vaisselle (Opération N°1, effectuée ce matin), ou encore de feuilles de rhubarbe ou d'un paquet de tabac gris macéré dans de l'eau... On ne reculera devant rien. L'Iliade et l'Odyssée, l'actualité mondiale et la crise financière, tout sera relégué au second plan tant que la clématite n'aura pas recouvré sa liberté et son espace vital.
Et les daims et autres prédateurs herbivores n'ont qu'à bien se tenir, pour une fois que Myosotis met autre chose que des plantes en plastiques devant la maison...

mardi 8 novembre 2011

Fatigue

Bon, voilà, c'est l'ennemi numéro 1 et rien à faire, même avec une heure de sommeil en plus le matin (merci, changement d'heure qui va dans le bon sens), il faut toujours compter avec cette fatigue infatigable, inlassable, inaltérable...
Il est vrai que le Grand Chêne se couche très tard (ancienne ou nouvelle heure, on ne sait même plus) ;
Que Mademoiselle Bee demeure elle aussi infatigable, inlassable et inaltérable dans sa façon d'user et d'abuser des choses et des gens ;
Que Petit Sapin (décidément très gentil et dévoué) ne va pas au-delà d'un certain stade de gentillesse et de dévouement (concrètement, mais pour une heure pas plus, l'écran de sa PS3) ;
Que Petit Bouton d'or cultive un mode de vie spécial, sous son lit ou sous son bureau, et communique surtout à partir de petits cris difficiles à décoder ;
Que Petit Lierre fait de la résistance à table...
Et que tous ont besoin de manger (même Petit Lierre), d'avoir du linge propre, une maison en état de fonctionnement et une Maman attentive et attentionnée pour veiller sur tous les aspects du quotidien et conduire chacun là où il doit aller.
On va y arriver...

dimanche 30 octobre 2011

Sagesse et poésie

Le bon sens et l'expérience humaine se rejoignent pour composer des formules simples mais harmonieuses qui se transmettent au fil des générations, sur le modèle :

Noël au balcon, Pâques aux tisons.

Devant une situation inhabituelle mais naturelle, comment ne pas chercher à en tirer quelque leçon à destination des générations futures ?

La situation : une chute de neige abondante, à gros flocons, alors que le mois d'octobre n'est pas encore achevé. Des enfants du voisinage ont même tenté de venir faire de la luge sur la colline de Monument Park...


Le défi : trouver une rime pour un dicton rythmé qui commencerait par : "Citrouilles sous la neige..."

Citrouilles sous la neige, mon portefeuille s'allège ?

(Pourquoi pas, mais de toute façon un portefeuille s'allège forcément, quel que soit le temps...)

Citrouilles sous la neige, je sors mon imper beige ?

(Oui, mais ce n'est pas suffisant, un imperméable, quand il fait si froid...)

Citrouilles sous la neige, je fais des oeufs en neige ?

(Et voilà, on retombe sur le même mot, pas de quoi frapper les mémoires...)


Une idée ! Si l'on inversait la formule, en commençant par "Neige sur les citrouilles..." ?

Neige sur les citrouilles, ouille ouille ouille ?
Neige sur les citrouilles, qu'est-ce qu'on dérouille ?
Neige sur les citrouilles...

Le problème ici n'est plus de trouver des rimes mais de rester dans un registre aussi soutenu que possible...
Allons, arrêtons-nous là et souhaitons que d'autres idées nous viennent avant que l'évènement ne se reproduise.

C'est quand même bien joli... Il ne reste plus qu'à attendre que les citrouilles dégèlent pour les creuser afin d'y mettre des bougies... Demain soir, c'est Halloween.

mardi 25 octobre 2011

Automne

Automne malade et adoré

Tu mourras quand l'ouragan soufflera dans les roseraies
Quand il aura neigé
Dans les vergers

Pauvre automne
Meurs en blancheur et en richesse


De neige et de fruits mûrs
Au fond du ciel
Des éperviers planent


Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines
Qui n'ont jamais aimé

Aux lisières lointaines

Les cerfs ont bramé



Et que j'aime ô saison que j'aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu'on les cueille


Le vent et la forêt qui pleurent
Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille


Les feuilles

Qu'on foule
Un train
Qui roule
La vie
S'écoule

Apollinaire

samedi 1 octobre 2011

En dessous

New York City... Des gratte-ciel, des lumières et des enseignes multicolores, des taxis jaunes et les images de dizaines de films ou de séries télé qui reviennent en mémoire...
Après 5 années aux USA et quelques voyages plus ou moins touristiques dans la grande ville que l'on s'obstine à surnommer Big Apple sans trop savoir pourquoi, les clichés sont toujours vivants, additionnés de quelques découvertes : Central Park est bien plus grand que l'on ne pensait et l'on peut s'y perdre, on trouve au nord de Manhattan un merveilleux musée médiéval, le pont de Brooklyn est un lieu de promenade idéal pour les gens que le bruit de milliers de voitures (qui passent, sur plusieurs niveaux, juste en dessous du pont piétonnier) ne dérange pas...
Alors quand le Grand Chêne achète un jour le New Yorker magazine, on est tout étonné de découvrir (au hasard des nombreuses colonnes de littérature bien serrée pour intellectuels éclairés) un modeste article sur les sous-sols de New York City... Bien sûr, le nez en l'air parmi la foule, on n'y avait pas pensé une minute, mais c'est logique : tous ces buildings ont des sous-sols !
Et certains de ces sous-sols ont une histoire...
En particulier, un complexe d'appartements qui porte le nom magique de Stuyvesant Town and Peter Cooper Village, construit dans les années 1940, offrait à ses occupants un service très pratique : sur simple demande et sans frais supplémentaires, on pouvait y faire stocker dans les sous-sols tout ce que l'on voulait. Des dizaines d'occupants des lieux ont ainsi fait descendre des caisses et des caisses... Parfois, par relations, des personnes étrangères au complexe ont eu accès également à ce service. Puis au fil des déménagements et des décès, on a littéralement perdu la trace des propriétaires de ces quantités considérables de caisses oubliées.
Et soudain, la crise économique aidant, on s'avise que ces sous-sol pourraient rapporter beaucoup d'argent si l'on faisait payer la location des espaces de stockage... Mais il y a un nettoyage herculéen à accomplir, et l'on n'est même pas sûr d'en avoir légalement le droit, tant que l'on n'a pas enquêté sur le propriétaire de chaque caisse !
Alors voilà un cliché de plus à ajouter à tous ceux qui s'éveillent quand on regarde une photo de Manhattan : sous les gratte-ciel, des gens essayent d'identifier le contenu (peut-être malsain, après tant d'années...) des milliers de caisses sans propriétaire connu, et de trouver une solution pour se débarrasser de ce que l'on y découvrira quand on pourra faire le ménage à fond... Vieux papiers, livres dans toutes les langues, bouteilles de vin, disques vinyl et talons de chéquiers, tapis, meubles dépareillés, bibelots et bijoux sans valeur (peut-être ?), vêtements démodés, uniformes et robes de mariée...

lundi 12 septembre 2011

Des rubans jaunes

A midi, à la sortie de l'école, Myosotis a eu la surprise de trouver tous les élèves occupés à se ranger le long de la route, un petit drapeau à la main, tandis que les maîtresses agitaient des drapeaux plus grands et que la directrice, qui tenait sous un bras deux bouquets (un tricolore et un jaune), faisait la circulation sur le parking. Les arbres avaient été ornés de gros rubans jaunes, des journalistes photographiaient, filmaient et interrogeaient les élèves, les parents qui arrivaient se joignaient à l'attroupement.
Petit Lierre enchanté se tenait au soleil avec ses camarades et sa maîtresse, tout prêt à agiter son petit drapeau, et la raison précise de tout cela circulait de groupe en groupe : on attendait un Papa officier revenu d'Afghanistan après 9 mois de service... Le père d'une copine de Petit Lierre, justement...
Quand la voiture attendue est arrivée sur le parking, les applaudissements ont éclaté tandis que les petits drapeaux se sont affolés. Tous les élèves sont revenus se grouper devant l'école, le Papa fêté comme un héros est descendu et a pris son plus jeune fils dans ses bras, tandis que sa fille (plantant là maîtresse et drapeau) courait se faufiler près de lui. Aux côtés de sa femme tout sourire (enfin, après tant d'angoisses), il a reçu les deux bouquets (jaune pour les vétérans, tricolore comme le drapeau...) et passé en revue les enfants qui ont entonné

God bless America, my home sweet home...

A ce moment-là, il aurait été plus simple pour Myosotis d'être américaine aussi. Ne pas penser au caractère plus ou moins dérisoire de cette guerre et des autres... Ne pas porter de jugement sur ce patriotisme éclatant. Ne pas comparer cette joie avec l'émotion de l'anniversaire d'hier...
Ne pas refuser le réconfort des drapeaux et des rubans jaunes pour affronter cet océan de larmes.

dimanche 11 septembre 2011

Elle avait 6 ans...

... au moment des faits. De retour de l'école, elle regardait en fronçant les sourcils sa Maman bouleversée par les informations, qui essayait de trouver une photo du World Trade Center pour lui expliquer l'inexplicable.
Aujourd'hui, Mademoiselle Bee a fait ce dessin

samedi 10 septembre 2011

Conscience écologique

Petit Bouton d'or se passionne pour la protection de la nature, la vie en Alaska et l'élevage de chiens. Quand elle participe au rangement des courses, elle remarque d'un air entendu que les bouteilles d'eau constituent une source de déchets plastiques... Alors que l'on admire la Jeep jaune vif des parents d'un de ses camarades de classe, elle regrette que ces gens ne soient pas "eco-friendly" car ils possèdent 6 voitures...
Et ce matin, assise à côté de Myosotis au volant, en route vers son cours de gymnastique, Petit Bouton d'or a soudain déclaré qu'elle n'aimait pas penser aux temps passés, quand les parages étaient encore "nature et campagne"... Myosotis a jugé bon de rectifier un peu le romantisme de ses pensées, en lui rappelant que Washington DC a longtemps été considéré comme un lieu insalubre, en raison de ses terrains marécageux...
"Tu sais, avant, ce n'était pas vraiment une jolie campagne, ici... C'était sauvage, hostile, marécageux... Plein de bêtes et d'insectes... On y attrapait le paludisme et ce n'était pas du tout un endroit accueillant."
Alors, en désignant d'un geste l'échangeur autoroutier, les immeubles, panneaux et lampadaires plantés le long des trottoirs de béton, Petit Bouton d'or a répondu vivement :
"Hé ben, ça non plus !"

jeudi 8 septembre 2011

Après Irène...

... voici Lee. Pas tout à fait la même chose, elle suit une autre trajectoire, n'apporte pas de vent violent et puis, bien sûr, tout le monde est si occupé depuis la rentrée des classes...
Il n'empêche que Lee rappelle à l'ordre ceux qui pensaient en avoir fini avec la saison des tempêtes. Au fil des heures, au fil des jours, les averses se succèdent et lorsque la pluie cesse, on entend gronder le tonnerre tandis que des éclairs venus d'on ne sait où illuminent le ciel gris... Tout est gorgé d'humidité, les pelouses sont devenues rizières et les feuillages ruissellent.
Myosotis conduit plus prudemment que jamais, les grandes flaques sur la route sont parfois si profondes que l'on en perd toute visibilité si l'on arrive trop vite (on se croirait alors à bord d'un bateau battu par les vagues, les petits passagers apprécient énormément...).
Le petit jardin n'a pas d'inondation à redouter, contrairement aux pauvres gens de Pennsylvanie et à bien d'autres encore, rien que ce rideau de pluie qui ne veut pas se lever sur les couleurs de l'automne.
Mais cette fois, pas de gâteau pour illustrer la tempête : le Grand Chêne est parti courir l'Europe... Non sans avoir pris soin de réparer la maison (façade et gouttières) avant de s'en aller... Merci, Grand Chêne !

dimanche 28 août 2011

Irene apaisée


Voilà, c'est fini pour cette fois. Le Petit Jardin n'a pas à se plaindre : beaucoup de pluie, beaucoup de vent, une mauvaise nuit à cause d'une brève panne d'électricité... Les "bips" insistants des appareils électriques et les pleurs de Petit Lierre soudain privé de sa veilleuse se sont fait entendre malgré le vent... Mais au matin, peu de dégâts à constater : on a ramassé les petites (et moyennes) branches tombées un peu partout ainsi que les morceaux de la façade (juste sous le toit) détachés et posés devant la maison,

rien de plus. Il y a de quoi s'estimer heureux.
Alors on a fêté ce soulagement avec un joli gâteau-météo, réalisé par le Grand Chêne et décoré par Mademoiselle Bee


Conclusion sucrée pour un week-end qui ne l'était pas vraiment.
(Merci Lysiane pour la photo de l'original.)


mardi 23 août 2011

Un petit peu de bruit...

... et une grande secousse, plus longue, bien plus forte que l'année dernière... C'était le deuxième tremblement de terre pour le Petit Jardin.
Tout le monde se demandait ce que c'était, puis quand on a enfin compris, tout le monde est sorti devant la maison. Les buissons tremblaient encore...
Très vite ensuite, les nouvelles ont circulé : 5,9 sur l'échelle de Richter, les fonctionnaires du gouvernement invités à rentrer chez eux, Capitole et Pentagone évacués, embouteillages routiers et métro au ralenti... Des objets sont tombés, des cadres se sont mis de travers sur les murs, des chats ont perdu la tête... La National Cathedral est endommagée...
Mais malgré l'émotion et quelques répliques, on n'y pense déjà presque plus (à part Petit Lierre qui n'a pas fini d'en reparler).
C'est qu'une tempête tropicale est annoncée pour dimanche...

jeudi 11 août 2011

Un peu de musique ensemble

Myosotis et son Grand Chêne ont des goûts très différents, voire opposés. Quand il s'agit de choisir un dessert, ce n'est pas un problème, chacun peut avoir le sien. Mais pour l'achat d'un objet ou d'un meuble, il y a matière à discussion... Et quant à choisir de la musique à écouter ensemble...

Mais aux USA, un merveilleux espace musical s'est ouvert devant eux : la musique Country. Des millions d'Américains n'écoutent que ça, c'est un mode de vie et de pensée, un univers bien fermé sur lui-même et sur l'Amérique. Le plus souvent, les chanteurs ont une voix légèrement nasillarde alors que les chanteuses ont une voix grave, parfois un peu cassée... Ils chantent leur pays natal, leur famille, leurs amis et leurs amours, leurs soucis, leur foi...

On trouve tous les styles (plus ou moins rock ou traditionnel), toutes les sensibilités (du comique au désespéré) et le Grand Chêne a des raisons d'apprécier cette musique qui diffèrent probablement de celles de Myosotis. Mais ils ont trouvé une musique à écouter ensemble avec un plaisir partagé. Et samedi dernier, concert de Blue Grass Country ! (C'était ce groupe, dans un autre cadre.)

Une musique très belle, des paroles justes, sur un rythme simple et qui évoque souvent le pas d'un cheval, une façon d'exprimer tout ce qui fait la vie, avec la volonté constante d'aller de l'avant, de continuer quand même. Quand le bon sens et la joie de vivre rencontrent une douce mélancolie qui revient sur tous les tons...



samedi 6 août 2011

Retour de Virginia Beach

La vie moderne étant ce qu'elle est, un petit moment ailleurs est devenu l'étape importante de l'été... Pour les vacances du petit jardin, le Grand Chêne a trouvé une jolie location près de l'Océan, en compagnie de grands-parents dévoués et tout disposés à savourer 2 semaines de petits-enfants surchauffés, parfois mouillés et/ou couverts de sable et le plus souvent pressés de rentrer jouer avec leurs écrans.
L'aventure était belle. Virginia Beach n'est pas seulement ça

c'est aussi ça


et ça (en plus intime, loin du centre-ville)



Il y des avions dans le ciel (beaucoup d'avions) parce que la base militaire d'à côté est très active. Il y a l'inoubliable Chrysler Museum, à Norfolk, qui offre une belle collection d'oeuvres d'art et surtout une merveilleuse collection d'objets de verre (de chez Tiffany entre autres) devant lesquels on se sent pétrifié par une profonde admiration assortie d'une vague peur de casser quelque chose (on ne sait jamais)...


Et des vagues, encore des vagues...

Et des surfeurs qui essaient de les apprivoiser pour glisser le plus loin et le plus longtemps possible...

Et des dauphins qui passent, un peu plus loin... Et du sable fin, si fin qu'il est resté caché un peu partout dans les affaires de plage, et qu'il s'est répandu sur le sol de la maison, au retour... Joli souvenir qui ne s'en ira pas...

vendredi 17 juin 2011

"Ceci tuera cela"

Cette phrase se trouve dans Notre-Dame de Paris, lorsque l'archidiacre Dom Claude Frollo envisage gravement le développement à venir de l'imprimerie qui remplacera les lettres de marbres et les pages de granit de la belle cathédrale. Victor Hugo affirme que

jusqu'à Gutemberg, l'architecture est l'écriture principale, l'écriture universelle.
Mais voilà qu'au XVe siècle
la pensée humaine en changeant de forme allait changer de mode d'expression, que l'idée capitale de chaque génération ne s'écrirait plus avec la même matière et de la même façon, que le livre de pierre, si solide et si durable, allait faire place au livre de papier, plus solide et plus durable encore. (...)
Le livre va tuer l'édifice.
L'invention de l'imprimerie est le plus grand évènement de l'histoire. C'est la révolution mère. C'est le mode d'expression de l'humanité qui se renouvelle totalement, c'est la pensée humaine qui dépouille une forme et en revêt une autre (...).

Sous la forme imprimerie, la pensée est plus impérissable que jamais ; elle est volatile, insaisissable, indestructible. Elle se mêle à l'air. Du temps de l'architecture, elle se faisait montagne et s'emparait puissamment d'un siècle et d'un lieu. Maintenant, elle se fait troupe d'oiseaux, s'éparpille aux quatre vents, et occupe à la fois tous les points de l'air et de l'espace.

Que dirait Victor Hugo devant un ordinateur ?
Que penserait-il du rôle de Facebook et autres Twitter dans les mouvements révolutionnaires du Proche Orient (par exemple) ?
Si l'imprimerie a tué l'architecture, que va faire le i-Pad tout neuf du Grand Chêne à la bibliothèque de Myosotis ?

mercredi 8 juin 2011

Oiseaux

La belle saison ne met plus d'obstacle à leurs activités incessantes. Du matin au soir, ils occupent l'espace de leurs vols et de leurs chants. Si nombreux, si vifs, si gracieux... On les plaignait, cet hiver, mais à présent on se réjouit pour eux, depuis qu'ils annoncent et animent le printemps. Et on les suit du regard dans le ciel bleu, en rêvant de paix et de liberté. Pourtant...

Pourtant, à bien y regarder... Ils ont des ailes... Mais pas de bras. Aucun moyen d'étreindre ou d'embrasser, pas de main à tendre ou à refermer, ni don ni échange possible par ce moyen-là. Et leurs ailes qui battent dans l'immense effort de se maintenir en l'air semblent tendues comme des mécaniques. La souplesse et la grâce de leur vol, c'est un cadeau qui vient après, quand le décollage réussi les livre aux caprices du vent. Ils savent lutter, planer, se jouer des courants, mais au prix d'une tension sans relâche ; comme des danseurs, dont les efforts et la souffrance quotidienne finissent par donner naissance à la beauté.

Loin de nos rêves de liberté, c'est le mouvement constant de leurs ailes qui les propulse vers les moyens de leur survie : nourriture, nidification, reproduction. Et à la pointe de toutes leurs actions : leur bec dur et pointu, outil et masque. Pas de bouche, pas de lèvres, pas de joues. Et finalement pas de visage, mais une sorte de casque fiché près de l'oeil rond, qui pour bien voir doit être braqué dans la bonne direction par un mouvement de toute la tête. Leur cou souple garni de petites plumes se plie à toutes les nécessités ; ils sont toujours aux aguets, deçà, delà, prêts à s'enfuir, à piquer, à béqueter, à fondre sur la proie ou sur la graine. Béqueter, bécoter, mais pas donner des baisers, ni en recevoir.

Ils travaillent dès le point du jour pour bâtir leurs nids, dans chaque recoin où ils sentent que leurs oeufs seront à l'abri : au creux des branches, sous le rebord des toits, dans les poteaux métalliques qui portent la signalisation des carrefours... Et ils "recyclent" toute sorte de matériaux qu'ils entrelacent finement, à l'aide de leur bec toujours. Quant à leurs pattes, pas même sensibles au courant des fils électriques, ce sont des outils pour gratter, pour s'agripper, se tenir en équilibre. Au mieux, elles leurs permettent de sautiller ou de courir d'une manière comique. Pour les plus grands oiseaux, on sait bien que leurs ailes de géant les empêchent d'user de leurs pattes... Baguettes dérisoires, recroquevillées sous leur corps apparemment dodu sous le duvet gonflé, mais si léger quand la vie l'abandonne.

Restent leurs chants, aussi variés que leurs plumages, souvent bien plus beaux. Doux appel ou fiévreuse proclamation, trille suave ou refrain rythmé, du fond de leur gorge palpitante c'est tout un monde qui retentit et nous touche profondément. Même les cris rauques des oiseaux les moins mélodieux peuvent prendre à nos oreilles l'importance d'un signe, d'un appel... Tout cela nous dépasse, nous intrigue, nous ravit. Seule compensation à leur chétive existence, qui semblerait sans cela essentiellement faite de dureté et de tension, leur chant est peut-être la véritable liberté des oiseaux. Encore les fait-on parfois chanter dans une cage...


lundi 30 mai 2011

Un week-end à la mer

Tandis que le Grand Chêne s'en est allé au loin pour travailler, voilà Myosotis et son petit jardin partis passer 2 jours à Ocean City, Maryland.
Pour éviter les embouteillages (il y a un immense pont à traverser sur la Chesapeake Bay), on s'est levé très tôt samedi matin, on a bien roulé et on a pu déposer les bagages sans attendre dans la grande chambre du petit hôtel familial (à première vue).
Un petit coup d'oeil sur la plage somptueuse, puis quelques achats indispensables : des lunettes de soleil, un maillot de bain, une grande pelle à sable... Et ensuite, comme promis, de longues séances de plage.
Malgré un vif désir et une vraie bravoure, personne n'est parvenu à se mettre à l'eau, bien trop froide. Alors on a regardé les vagues, interminablement... On a passé de la crème sur les corps tout blancs après l'hiver pour bronzer en paix (et quand on a négligé cette obligation, la mésaventure a été cuisante)... On a déplacé des mètres cubes de sable fin en attendant la marée haute... Le bonheur.


Un petit tour en voiture vers le sud a permis de se réjouir d'avoir choisi un hôtel très au nord de la ville : Ocean City, Maryland est un horrible assemblage d'immeubles très hauts et trop serrés le long de l'unique voie d'accès. Il fait bon ne pas les voir, derrière l'épaisse brume dorée qui monte de l'Océan et empêche le regard de porter jusqu'à eux.
Le petit hôtel n'était pas si familial que ça et un orchestre jouait chaque soir très fort au bar. La première nuit a aussi été marquée par un incident tardif et bruyant entre plusieurs personnes qui glapissaient et hurlaient "calm down" (sans succès). Mais le reste était très agréable, la piscine a permis de se baigner quand même, le restaurant offrait des hamburgers et des frites comme on en rêve avant l'âge adulte et la répartition des lits s'est faite tout naturellement : Petit Bouton d'or s'est installée dans un petit canapé-lit dans un petit coin, Mademoiselle Bee a fini par mettre Petit Sapin par terre, et Petit Lierre qui dormait avec Myosotis s'est montré proprement attachant (certains dormeurs se collent instinctivement contre la personne avec laquelle ils dorment. Dans ce cas, il n'y a pas de vraie surprise... C'est même très mignon, surtout quand c'est juste pour 2 nuits !).
Le retour n'a pas été si simple que l'aller (encore cet immense pont à franchir dans l'autre sens) mais le petit jardin a réintégré son espace familier, en rapportant un peu de sable et de soleil, un peu partout... C'est bon pour le moral. Merci, Grand Chêne !

dimanche 1 mai 2011

Miséricorde

Joli mot pour désigner l'étroite planche de bois dissimulée sous le siège de leur stalle que les moines relevaient ou abaissaient durant les offices. Tout autour du chœur, un modeste élément parfois ouvragé mais surtout un soutien et un soulagement pour les orants.
C'était un admirable échange : le moine raidi dans l'effort d'une longue station debout allégeait sa peine mais poursuivait sa louange, en sollicitant la miséricorde divine pour le pardon de sa faiblesse ; et le Père éternel, touché par la prière de ses fidèles, permettait dans sa miséricorde infinie que ces hommes las reçoivent un secours prévu par la bienveillance astucieuse d'un artisan ébéniste...


A tout péché, miséricorde.
Douceur d'un tendre appui poli par l'usage, patiné par des heures de prière.
Non pour reposer entièrement mais pour soutenir l'effort, pour maintenir debout le veilleur.
Délicatesse du chêne bruni et luisant, caché aux regards mais bien présent au fond de l'humble oraison qui ne méconnaît pas sa fragilité.

samedi 16 avril 2011

Balzac

Un classique... On croit le connaître, on sait bien sa valeur mais on est peut-être un peu las de le voir cité sans répit dans les listes de lecture et, d'ailleurs, on n'a pas le temps...
Oui, mais...
Si le volume s'ouvre à la première page de La Bourse, une nouvelle de jeunesse que son titre ne recommande pas vraiment, on peut lire :

Il est pour les âmes faciles à s'épanouir une heure délicieuse qui survient au moment où la nuit n'est pas encore et où le jour n'est plus ; la lueur crépusculaire jette alors ses teintes molles ou ses reflets bizarres sur tous les objets, et favorise une rêverie qui se marie vaguement aux jeux de la lumière et de l'ombre.

Et c'est parti. Le charme opère encore une fois.
On rit (parce que le personnage principal abîmé dans la contemplation de ce beau soir va tomber de son escabeau), on tremble (parce que ses amours vont être contrariées), on secoue la tête d'incrédulité (mais comment fait donc Balzac pour brosser si efficacement le portrait d'un homme ou d'une femme, ainsi que de son quartier et de son époque, en une phrase ?) et finalement on soupire de plaisir. Il reste encore des volumes que l'on n'a pas ouverts...

mardi 12 avril 2011

Le deuil de la nature

Habituellement, le printemps est à Washington DC une vraie saison de fête où l'on s'émerveille.

Mais cette fois, tous les bourgeons et toutes les fleurs promises n'ont pas pu cacher la misère : trop d'arbres mutilés par les rudesses de l'hiver, trop de branches encore éparpillées au pied des troncs, trop de vide là où s'élevaient naguère des bosquets touffus...
Pour couronner le tout, chaque arbre fleuri a payé un lourd tribut aux orages de saison : des fleurs à peine écloses jonchaient le sol alors que la plupart des bourgeons étaient encore fermés par le froid...
Cherry Blossom a bien eu lieu, on a célébré les pétales délicats qui sont parvenus à habiller les cerisiers du Japon plantés le long des belles allées.

Mais on n'a pas oublié un instant le deuil que la nature elle-même semblait porter comme nous

mardi 29 mars 2011

Pas Paris

Myosotis n'aime pas Paris.
Souvenirs d'années difficiles, le Grand Chêne toujours au travail et la poussette de Mademoiselle Bee puis de Petit Sapin jamais facile à aventurer sur les trottoirs encombrés ou dans les couloirs du métro.
Difficultés quotidiennes entre bronchiolites et bruits de voisinage, embouteillages et poubelles débordantes.
Tous les expatriés français de Washington DC hésitent un peu avant de retrouver le sourire quand ils parlent de leur retour à Paris.
Cependant, en particulier pour les Américains qui considèrent cette destination comme la concrétisation suprême du rêve romantique, Paris est une belle ville touristique. On ne contestera pas. Mais précisément, les jolies choses, musées, jardins, églises et palais, sont celles où l'on n'habite pas. On n'y fait que passer, ravi. Le reste repose sur la bonne volonté relative des millions de personnes qui s'y côtoient dans trop peu d'espace et dans un nuage de pollution rose qui ferme le ciel.
Alors voilà, même en lisant le dernier Philippe Delerm rapporté si gentiment par le Grand Chêne, malgré le sujet attrayant d'un anti-héros devenu célébrité de la blogosphère,

Myosotis est restée sur sa position, petite fleur têtue, hermétique aux charmes de la capitale française. Myosotis n'aime pas Paris.

lundi 21 mars 2011

Un trait de lumière

C'était le soir de Mardi Gras, il y a déjà deux semaines.
Le Grand Chêne (encore au travail) avait gentiment téléphoné pour annoncer l'évènement. Myosotis s'était alors mise à préparer fébrilement les crêpes (et galettes) du dîner, sans quitter des yeux la pendule. Dès 7:00 pm, Petit Bouton d'or et Petit Lierre avaient accepté de mettre leur manteau avant de sortir contempler les étoiles dans la nuit froide. A 7:15, Petit Sapin et Myosotis les ont rejoints au milieu du terrain de sport, en face de la maison.
Là, on a cherché encore où devait être le sud, puis l'ouest et enfin le sud-ouest. C'est de là que devait venir l'objet tant attendu, à 7:22 pm. Toujours le nez en l'air, Petit Bouton d'or nommait des constellations, çà et là, Petit Sapin la taquinait et Petit Lierre se serrait dans une couverture dans les bras de Myosotis.
Et soudain, à travers les branches nues d'un grand arbre qui ne suffisait pas à le cacher, un gros point doré est monté de l'horizon. Il traçait dans la nuit son chemin bien net vers le nord-est, à la manière d'un satellite mais plus gros et plus brillant que les étoiles. A ce moment de son orbite, l'équipage aussi, de son côté, devait scruter la surface de la Terre en guettant les lumières de la capitale fédérale...
Très vite, le gros point doré a perdu son éclat, bien avant de disparaître derrière les arbres qui ferment l'horizon au nord-est. Une occasion de constater de visu (c'est rare) que la Terre est effectivement ronde et qu'un objet en orbite finit par ne plus être éclairé par le Soleil.
C'était la dernière mission de la navette Discovery, visible deux minutes au-dessus de Washington DC. Deux minutes célestes pour les Terriens du petit jardin.

samedi 12 mars 2011

Sendai

Une branche est tombée sur la terre
qui a tremblé
et l'océan a couché l'arbre
dans le jardin

lundi 7 mars 2011

Croissance

C'est l'objet principal des activités du petit jardin : que chacun y croisse aussi harmonieusement que possible et s'en aille, le moment venu, cultiver son propre jardin, sans perdre ses racines bien sûr.
Cette croissance connaît des étapes, des crises, des reprises... Comme dans la vie économique. Et il y a aussi des constantes.
Ainsi, le moment du réveil le week-end est-il l'occasion de scènes particulières. Au début, quand Mademoiselle Bee et Petit Sapin étaient encore vraiment petits, ils se réveillaient tôt, sans peine, en pleine forme et bien décidés à profiter de leur journée pour s'amuser


Par la suite, les années passant et Myosotis veillant à leur alimentation, ils ont grandi. Beaucoup.
Et voilà Nous sommes désormais en présence de deux individus adolescents, nettement moins pressés de se lever, pas très dynamiques et absolument pas décidés à saisir la chance d'un jour nouveau. (Myosotis a cru que Mademoiselle Bee venait lui prêter main forte pour faire sortir son frère de son lit. C'était en fait pour le soutenir dans sa résistance passive.)
En 13 ans, une seule chose n'a pas changé : on a toujours envie de les câliner, ils sont toujours attendrissants... Le temps d'une photo.

mercredi 2 mars 2011

Les beaux quartiers

A force de conduire chacun ici et là dans les écoles des beaux quartiers, au nord-ouest de Washington DC, Myosotis commence à bien connaître certaines rues, maisons et jardins.
Ici, le jardin est paysagé à chaque printemps et des plantes exotiques aux feuilles immenses ornent tout le tour de la maison et l'angle de la rue : l'été les voit fleurir comme des feux d'artifices puis le gel de l'hiver les ratatine misérablement. Sic transit...
Là, un passionné d'automobile laisse sous bâche une voiture de collection qui ne roulera peut-être plus mais qui occupe une large partie de la rue devant chez lui.
Ailleurs, un propriétaire qui n'aime probablement pas les tondeuses a voulu se donner la sérénité d'un jardin zen : autour de sa maison carrée peinte en noir (avec fenêtres carrées blanches), le sol est couvert de fin gravier blanc et une vieille souche blanchie occupe le centre d'un carré délimité par une manière de portique en bois sombre. Hélas, un tel jardin exigerait des soins et un râtissage quotidiens, pour en ôter les feuilles mortes et les herbes folles qui s'obstinent à pousser entre les petits cailloux blancs...
Plus loin, une dame qui ne voulait pas non plus d'un simple gazon a fait de son jardin un vaste espace fleuri, dans lequel les décorations de toute sorte (girouettes, mobiles, clochettes, nains et petits faons, cadrans solaires, moulins à vents...) voisinent avec des plantations variées. Vaillante et souvent à l'ouvrage sous son chapeau de paille, elle ne se laisse pas gagner de vitesse par les mauvaises herbes et tout fleurit joliment en son temps dans son capharnaüm merveilleux...
Dans ce quadrillage que Myosotis parcourt au fil des jours, un chantier est un évènement, parfois très rapide, souvent occasion de méditation.
Il y avait ainsi, à l'angle d'une rue, une vieille maison très modeste, dont la propriétaire devait être la dernière personne du comté à faire sécher son linge dehors, sur des fils tendus dans son jardin. Le jour où les bulldozers sont venus abattre la maison, il a bien fallu en conclure que la vieille dame avait cessé de s'occuper de son linge elle-même... Un petit pincement au coeur, auquel s'est ajoutée la surprise de voir pousser en moins de temps qu'il ne faut pour y penser une énorme maison d'un vilain bleu pétrole, si large qu'elle ne laisse rien du jardin. Ces gens ont sans doute un sèche-linge.
De même, à quelques rues de là, une autre petite maison croupissait parmi les herbes folles, sous une jungle de buissons d'où deux poubelles et la carcasse d'une voiture dépassaient à peine. Les bulldozers ont tout arrangé en quelques heures et une autre énorme maison a été bâtie là, coincée entre ses voisines de même taille, comme si le gigantisme rassurait les héritiers du domaine abandonné en interdisant à tout jamais la repousse du moindre buisson (le gazon lui-même n'y pousse pas sans artifice).
On voudrait pouvoir photographier tout ça, mais au volant c'est difficile. Des images d'archives feront peut-être l'affaire. Voilà ce qui se passe quand une vieille maison est remplacée par une neuve : avant, on a quelque chose comme ça

Et après, quelque chose de ce genre :

Ou encore quelque chose comme ça :

C'est plus confortable, sans doute, et parfois même admirable... Mais aussi moins poétique.

mardi 8 février 2011

Clichés d'hiver...

Le froid, le vent, les nuages...
Toute la gamme de ce qui peut tomber du ciel, de la pluie la plus fine aux flocons les plus épais...

La cheminée pleine de flammes claires et sa petite porte si chaude que la poignée en est devenue brûlante... La réserve de bûches qui diminue doucement en laissant des copeaux un peu partout, c'est le bois ramassé après les orages du mois d'août...

Les bougies qui remplacent les lampes quand tout s'éteint parce que d'autres branches sont tombées sur les fils électriques... Modestes veilleuses sur le bord des étagères, grandes bougies plantées au centre de la table, toutes les petites flammes dansent, accompagnées par le faisceau baladeur d'une lampe-torche confiée à Petit Lierre...

Les petits matins hésitants... Trop de neige pour que les écoles soient ouvertes mais le Grand Chêne équipé comme un explorateur s'en va prendre son bus... Ses pas s'enfoncent dans la poudreuse... Y a-t-il des bus ?
Le journal d'hier est encore dehors, dans un petit sac de plastique jaune, en partie recouvert comme tout le reste... Le Grand Chêne ramasse le sac au passage et le jette vers la maison, d'un geste large, puis s'éloigne sur un grand sourire penaud parce qu'il a mal calculé la trajectoire... Le journal est sur le toit du garage.

Les pelles et les luges posées contre le mur de la maison quand elles ne sont pas en service...

De vieux journaux étalés sur le sol, les chaussures de neige alignées dans l'entrée, les manteaux et les gants qui s'égouttent sur le dossier des chaises...

Les silhouettes aux formes douces des bonshommes de neige réalisés dans la journée...

Ce n'est pas encore fini tant que février est là, mais il semble bien que l'on a déjà fait le tour des divers clichés de la saison...

lundi 24 janvier 2011

Les éléphants comme avant

Encore une belle rencontre... Les racines du ciel, cela désigne l'aspiration à autre chose, cette exigence qui habite le coeur des hommes.
Prix Goncourt de 1956. Un long récit plein d'esprit et de profondeur. 495 pages incroyables qui voient se croiser de nombreux personnages autour d'un héros sans prénom, le français Morel, ancien déporté désormais attaché à défendre la faune africaine par tous les moyens.
Chacun des protagonistes a déjà tant vécu que rien ne peut plus le surprendre et d'ailleurs, en AEF, on a déjà tout vu... Sauf une épopée comme celle de Morel, qui défie l'apathie, le cynisme et les idéologies les plus virulentes, sans verser pour autant dans la quête éthérée d'un lointain idéal. Morel est un homme qui réclame le droit d'être humain.

(...) Tout le monde trouve malin d'annexer les éléphants, mais personne ne fait rien pour eux. Remarquez, que chacun associe les éléphants à ce qu'il y a en lui de plus propre, moi, ça me va. Pour le reste, qu'ils soient communistes, titistes, nationalistes, arabes ou tchécoslovaques, je m'en fous... ça ne m'intéresse pas. S'ils sont d'accord là-dessus, moi, ça me va. Ce que je défends, c'est une marge - je veux que les nations, les partis, les systèmes politiques, se serrent un peu, pour laisser de la place à autre chose, à une aspiration qui ne doit jamais être menacée... Nous faisons ici un boulot précis - la protection de la nature, à commencer par ses plus grands enfants... Faut pas chercher plus loin.

Il faut sans doute le lire deux fois au moins, ce roman. Et après cette lecture, une chose est certaine : on ne verra plus jamais les éléphants comme avant...

mardi 18 janvier 2011

Cotillion

Le jour où Petit Sapin a demandé qu'on l'inscrive au cotillion avec ses copains d'école, la surprise a été grande, mais il a insisté...
On est allé acheter la tenue de rigueur : blazer, pantalon beige, chaussures d'uniforme et chaussettes sombres, avec une cravate empruntée au Grand Chêne par là-dessus.
Ensuite, il a fallu organiser le car-pool, être à 19h00 au lieu de rendez-vous et revenir à 22h45 pour le retour à la maison.
Enfin, il restait une étape à franchir : être le parent dévoué qui prend en charge une certaine quantité de jeunes gens en blazer et pantalon beige avec cravate paternelle pour aller sur les lieux du cotillion.
Le départ est toujours étonnant : en plein hiver, les demoiselles qui se pressent au lieu de rendez-vous dans leurs belles robes de soirée et les chaussures à talons de leur maman sont si court vêtues qu'on a froid pour elles. Mais on se fait une raison (les Américaines ne sont pas frileuses) et on y va.
Descente vers le centre de Washington DC, on suit un père de famille qui sait où aller et on finit par arriver dans la cour d'une vaste école privée dont le gymnase est éclairé. Jeunes gens et jeunes filles (sur leurs talons hauts) courent vers le bâtiment tandis qu'on s'en va garer la voiture. On revient et on salue une aimable dame qui indique un endroit, à l'étage, où l'on peut s'asseoir pour assister à la soirée.

A cotillion is a formal ball, often associated with presenting debutantes to society. It is also a program combining classes, parties and dance to educate young people in the social graces, including proper and formal etiquette. Such etiquette shows respect for others and is beneficial to succeeding in today's competitive society.
Les jeunes filles font cercle autour du gymnase, les jeunes gens derrière elles, nettement moins nombreux. Au centre, une dame élégante et compétente tient un micro et répète le détail du pas que l'on apprend ce soir :
Step, step step, turn...
Les jeunes filles s'appliquent, les jeunes gens aussi (pas tous), d'abord en solo puis par couples. Les filles qui ont un cavalier semblent s'amuser beaucoup moins que les autres, qui papotent en agitant leurs longs cheveux sur leurs épaules découvertes. Toutes sont gantées de blanc et portent des robes chatoyantes, décidément très courtes, parfois aussi très décolletées.
D'autres dames les surveillent et font alterner les cavalières tandis que les garçons dansent à chaque fois. Certains font les clowns, d'autres semblent s'ennuyer profondément. Les couples ainsi formés s'appliquent à ne pas se regarder, les bras tendus et le visage tourné chacun de son côté. Certains font de leur mieux et dansent vraiment, sans se soucier d'éventuelles différences de taille assez drôles, vues de loin.
Certaines jeunes filles ne dansent pas une seule fois mais bavardent et rient sans arrêt.
Enfin, sur un signal, les garçons vont chercher des chaises puis installent les filles et vont leur chercher une boisson. On fait cercle, assis, pour causer et déguster un cookie apporté sur un plateau par les dames de surveillance.
Un autre signal, on range les chaises, puis les garçons, une fille au moins à chaque bras, traversent le gymnase pour venir saluer courtoisement les organisateurs de la soirée. Alors Petit Sapin fait un signe à Myosotis : il faut se dépêcher de retourner à la voiture pour aller finir la soirée chez Mac Do... Perpétuer les raffinements de l'élite sociale, ça donne faim de frites et de cheese burgers. Et pendant que Petit Sapin et ses copains se restaurent, Myosotis médite dans la voiture : cotillion or not cotillion ? Quel est le sens profond de tout ça ?