mardi 29 mars 2011

Pas Paris

Myosotis n'aime pas Paris.
Souvenirs d'années difficiles, le Grand Chêne toujours au travail et la poussette de Mademoiselle Bee puis de Petit Sapin jamais facile à aventurer sur les trottoirs encombrés ou dans les couloirs du métro.
Difficultés quotidiennes entre bronchiolites et bruits de voisinage, embouteillages et poubelles débordantes.
Tous les expatriés français de Washington DC hésitent un peu avant de retrouver le sourire quand ils parlent de leur retour à Paris.
Cependant, en particulier pour les Américains qui considèrent cette destination comme la concrétisation suprême du rêve romantique, Paris est une belle ville touristique. On ne contestera pas. Mais précisément, les jolies choses, musées, jardins, églises et palais, sont celles où l'on n'habite pas. On n'y fait que passer, ravi. Le reste repose sur la bonne volonté relative des millions de personnes qui s'y côtoient dans trop peu d'espace et dans un nuage de pollution rose qui ferme le ciel.
Alors voilà, même en lisant le dernier Philippe Delerm rapporté si gentiment par le Grand Chêne, malgré le sujet attrayant d'un anti-héros devenu célébrité de la blogosphère,

Myosotis est restée sur sa position, petite fleur têtue, hermétique aux charmes de la capitale française. Myosotis n'aime pas Paris.

lundi 21 mars 2011

Un trait de lumière

C'était le soir de Mardi Gras, il y a déjà deux semaines.
Le Grand Chêne (encore au travail) avait gentiment téléphoné pour annoncer l'évènement. Myosotis s'était alors mise à préparer fébrilement les crêpes (et galettes) du dîner, sans quitter des yeux la pendule. Dès 7:00 pm, Petit Bouton d'or et Petit Lierre avaient accepté de mettre leur manteau avant de sortir contempler les étoiles dans la nuit froide. A 7:15, Petit Sapin et Myosotis les ont rejoints au milieu du terrain de sport, en face de la maison.
Là, on a cherché encore où devait être le sud, puis l'ouest et enfin le sud-ouest. C'est de là que devait venir l'objet tant attendu, à 7:22 pm. Toujours le nez en l'air, Petit Bouton d'or nommait des constellations, çà et là, Petit Sapin la taquinait et Petit Lierre se serrait dans une couverture dans les bras de Myosotis.
Et soudain, à travers les branches nues d'un grand arbre qui ne suffisait pas à le cacher, un gros point doré est monté de l'horizon. Il traçait dans la nuit son chemin bien net vers le nord-est, à la manière d'un satellite mais plus gros et plus brillant que les étoiles. A ce moment de son orbite, l'équipage aussi, de son côté, devait scruter la surface de la Terre en guettant les lumières de la capitale fédérale...
Très vite, le gros point doré a perdu son éclat, bien avant de disparaître derrière les arbres qui ferment l'horizon au nord-est. Une occasion de constater de visu (c'est rare) que la Terre est effectivement ronde et qu'un objet en orbite finit par ne plus être éclairé par le Soleil.
C'était la dernière mission de la navette Discovery, visible deux minutes au-dessus de Washington DC. Deux minutes célestes pour les Terriens du petit jardin.

samedi 12 mars 2011

Sendai

Une branche est tombée sur la terre
qui a tremblé
et l'océan a couché l'arbre
dans le jardin

lundi 7 mars 2011

Croissance

C'est l'objet principal des activités du petit jardin : que chacun y croisse aussi harmonieusement que possible et s'en aille, le moment venu, cultiver son propre jardin, sans perdre ses racines bien sûr.
Cette croissance connaît des étapes, des crises, des reprises... Comme dans la vie économique. Et il y a aussi des constantes.
Ainsi, le moment du réveil le week-end est-il l'occasion de scènes particulières. Au début, quand Mademoiselle Bee et Petit Sapin étaient encore vraiment petits, ils se réveillaient tôt, sans peine, en pleine forme et bien décidés à profiter de leur journée pour s'amuser


Par la suite, les années passant et Myosotis veillant à leur alimentation, ils ont grandi. Beaucoup.
Et voilà Nous sommes désormais en présence de deux individus adolescents, nettement moins pressés de se lever, pas très dynamiques et absolument pas décidés à saisir la chance d'un jour nouveau. (Myosotis a cru que Mademoiselle Bee venait lui prêter main forte pour faire sortir son frère de son lit. C'était en fait pour le soutenir dans sa résistance passive.)
En 13 ans, une seule chose n'a pas changé : on a toujours envie de les câliner, ils sont toujours attendrissants... Le temps d'une photo.

mercredi 2 mars 2011

Les beaux quartiers

A force de conduire chacun ici et là dans les écoles des beaux quartiers, au nord-ouest de Washington DC, Myosotis commence à bien connaître certaines rues, maisons et jardins.
Ici, le jardin est paysagé à chaque printemps et des plantes exotiques aux feuilles immenses ornent tout le tour de la maison et l'angle de la rue : l'été les voit fleurir comme des feux d'artifices puis le gel de l'hiver les ratatine misérablement. Sic transit...
Là, un passionné d'automobile laisse sous bâche une voiture de collection qui ne roulera peut-être plus mais qui occupe une large partie de la rue devant chez lui.
Ailleurs, un propriétaire qui n'aime probablement pas les tondeuses a voulu se donner la sérénité d'un jardin zen : autour de sa maison carrée peinte en noir (avec fenêtres carrées blanches), le sol est couvert de fin gravier blanc et une vieille souche blanchie occupe le centre d'un carré délimité par une manière de portique en bois sombre. Hélas, un tel jardin exigerait des soins et un râtissage quotidiens, pour en ôter les feuilles mortes et les herbes folles qui s'obstinent à pousser entre les petits cailloux blancs...
Plus loin, une dame qui ne voulait pas non plus d'un simple gazon a fait de son jardin un vaste espace fleuri, dans lequel les décorations de toute sorte (girouettes, mobiles, clochettes, nains et petits faons, cadrans solaires, moulins à vents...) voisinent avec des plantations variées. Vaillante et souvent à l'ouvrage sous son chapeau de paille, elle ne se laisse pas gagner de vitesse par les mauvaises herbes et tout fleurit joliment en son temps dans son capharnaüm merveilleux...
Dans ce quadrillage que Myosotis parcourt au fil des jours, un chantier est un évènement, parfois très rapide, souvent occasion de méditation.
Il y avait ainsi, à l'angle d'une rue, une vieille maison très modeste, dont la propriétaire devait être la dernière personne du comté à faire sécher son linge dehors, sur des fils tendus dans son jardin. Le jour où les bulldozers sont venus abattre la maison, il a bien fallu en conclure que la vieille dame avait cessé de s'occuper de son linge elle-même... Un petit pincement au coeur, auquel s'est ajoutée la surprise de voir pousser en moins de temps qu'il ne faut pour y penser une énorme maison d'un vilain bleu pétrole, si large qu'elle ne laisse rien du jardin. Ces gens ont sans doute un sèche-linge.
De même, à quelques rues de là, une autre petite maison croupissait parmi les herbes folles, sous une jungle de buissons d'où deux poubelles et la carcasse d'une voiture dépassaient à peine. Les bulldozers ont tout arrangé en quelques heures et une autre énorme maison a été bâtie là, coincée entre ses voisines de même taille, comme si le gigantisme rassurait les héritiers du domaine abandonné en interdisant à tout jamais la repousse du moindre buisson (le gazon lui-même n'y pousse pas sans artifice).
On voudrait pouvoir photographier tout ça, mais au volant c'est difficile. Des images d'archives feront peut-être l'affaire. Voilà ce qui se passe quand une vieille maison est remplacée par une neuve : avant, on a quelque chose comme ça

Et après, quelque chose de ce genre :

Ou encore quelque chose comme ça :

C'est plus confortable, sans doute, et parfois même admirable... Mais aussi moins poétique.