dimanche 16 décembre 2012

C'était un lundi

Au-delà des aspects rudes ou cruels de la vie, c'est un devoir d'en retenir aussi les beautés et les choses admirables.
Le 17 décembre 1903, pour la première fois dans l'histoire, un avion réussit à décoller, à parcourir une certaine distance puis à se poser, tout cela mû par un moteur et piloté par un homme.

Cet exploit réalisé par les frères Orville et Wilbur Wright était le fruit de longues années de travaux scientifiques (commencés avec leur mère qui s'y connaissait en physique et en mécanique). Les frères Wright partageaient la fièvre des inventeurs de leur temps (certains y laissèrent leur vie) : ils se documentaient sans relâche, passaient des semaines à mettre au point leurs théories puis construisaient des engins volants en exploitant les moyens techniques de leur magasin de cycles...

Pour faire des essais grandeur nature, ils choisirent la petite ville de Kill Devil, dans les Outer Banks, en Caroline du Nord, un endroit alors désert et sablonneux, ce qui adoucirait les atterrissages... Ils y revinrent 2 années de suite : le climat pénible de cette longue île parallèle au continent (ravagée en novembre dernier par la tempête Sandy...) ne les décourageait pas, pas plus que le long voyage pour y parvenir et leur installation absolument dépourvue de confort dans une cabane de bois. Ils passaient là des semaines, isolés du monde et livrés tout entiers à leur passion, ne revenant à la civilisation que pour aller chercher des pièces de rechange, et comptant sur l'équipe des sauveteurs en mer de la station voisine pour les aider à déplacer leur matériel...

Et lorsque leur prototype fut au point (après des difficultés sans nombre avec le moteur et beaucoup de moments de découragement), il leur fallut attendre des conditions météorologiques favorables : pas trop de vent, pas de pluie (en décembre au bord de l'Atlantique)...
Enfin le moment tant attendu arriva... Mais on était le 16 décembre 1903, un dimanche, et ils avaient promis à leur père (pasteur) de ne pas voler le Jour du Seigneur... Ils tinrent parole et ils attendirent le lendemain, lundi 17...
Les frères Wright tirèrent au sort pour savoir lequel des 2 s'installerait aux commandes, s'habillèrent avec une certaine solennité et firent venir les sauveteurs pour mettre l'avion en place. L'un des membres de l'équipe fut chargé de déclencher l'appareil photo. Mais quand l'avion décolla, il n'eut pas le temps de comprendre s'il avait vraiment réussi à prendre la photo...

C'était réussi.
Lorsque Wilbur rejoignit Orville, après cet exploit qui couronnait leurs efforts, réalisait leur rêve et ouvrait une ère nouvelle pour l'humanité, il lui serra la main et lui dit avec une joie profonde : Congratulations.
Puis ils firent encore 3 essais réussis, mais le prototype fut alors emporté et abîmé par le vent.
Ils s'arrêtèrent là pour cette fois et allèrent écrire un télégramme de victoire à leur père qui les attendait. Ils lui avaient aussi promis de rentrer chez eux pour Noël...

samedi 15 décembre 2012

Obscurités

Ils se sont rassemblés pour prier.
Certains ont rangé leurs décorations de Noël.
Certains recommencent à manifester contre la législation sur les armes.
Les directeurs des écoles ont diffusé des lettres pour expliquer que toutes les mesures de sécurité sont prises et conseiller aux parents de répondre aux questions éventuelles de leurs enfants. Sans les devancer.

Tout le monde a envie de serrer ses enfants dans ses bras. Encore plus que d'habitude.
Tous les Américains ont le coeur gros.

jeudi 6 décembre 2012

Exils

Bientôt 7 ans aux USA...
Après notre propre installation, combien de fois déjà avons-nous vu venir puis repartir et même revenir des familles d'expatriés ? Combien d'amis qui sont partis avec bien des regrets et un peu de nous ? Et maintenant, il vient de se créer le néologisme efficace d'impats (équivalent d'expats, mais à l'envers, ceux qui rentrent dans leur pays d'origine mais s'y retrouvent plus étrangers qu'ils ne l'étaient ailleurs)... Comme si cette aventure de l'exil n'avait jamais de fin, une fois commencée...
Et quand on y songe... Bien des sages comparent la vie elle-même à un exil...
Il y a peut-être là une clé pour vivre plus sereinement : s'il s'agit d'aller d'exil en exil, on ne va pas trop s'inquiéter pour aujourd'hui, tant que ça va cahin-caha, ni pour demain, puisqu'il n'est pas encore là... Quant à hier, on ferait aussi bien de le laisser où il est...
Concrètement, pour le petit jardin, ça va donner quelque chose comme ça : le Grand Chêne travaille toujours comme un forçat ; Mademoiselle Bee prépare le bac et son départ pour le bout du monde ; Petit Sapin fait son chemin au lycée américain ; Petit Bouton d'or se rebelle et veut changer d'école pour son entrée en 6e ; Petit Lierre va entrer à l'école primaire... Même Myosotis travaille beaucoup, en donnant des cours particuliers, entre deux conduites... C'est la vie. Respirons à fond. Un jour après l'autre. Une nuit trop courte après l'autre...
Et au hasard d'un cours de littérature, on tombe sur les mots de Saint-John Perse pour évoquer Robinson Crusoé, un modèle d'exilé-expat-impat hors-norme dont le retour au pays n'a pas pu être simple :

LES CLOCHES
Vieil homme aux mains nues,
remis entre les hommes, Crusoé !
tu pleurais, j'imagine, quand des tours de l'Abbaye, comme un flux, s'épanchait le sanglot des cloches sur la Ville...
O Dépouillé !
Tu pleurais de songer aux brisants sous la lune ; aux sifflements de rives plus lointaines ; aux musiques étranges qui naissent et s'assourdisent sous l'aile close de la nuit,
pareilles aux cercles enchaînés que sont les ondes d'une conque, à l'amplification de clameurs sous la mer...
Il n'y a pas de hasard, en littérature... Il y a des échos... Des cadeaux pour mieux vivre... Respirons à fond...

mardi 30 octobre 2012

Chanter sous la pluie

Puisqu'il n'est rien arrivé de grave dans le petit jardin,
puisque les arbres ont tenu bon sous la rafale,
puisqu'on a de l'électricité (contrairement à d'autres foyers moins heureux),
puisque la pompe du sous-sol a permis de rester au sec sans avoir à écoper une partie de la nuit (comme les voisins)...
Puisque seuls les chrysantèmes ont payé le prix fort (plus une fleur debout ce matin)...
Il faudrait avoir le courage de chanter sous le reste de pluie qui s'obstine à tomber.
Mais il y a les nouvelles de tous les autres, ceux qui n'ont pas eu de chance...
Et la neige et le froid et l'hiver qui arrive...
Pas possible de chanter comme ça...

Une porte ouverte ? Oui, comme toujours, la recette magique : un livre gentiment rapporté de France par le Grand Chêne lors de sa dernière mission...

Spécialiste de la pluie et de la grisaille, notre écrivain de génie instille goutte à goutte son esprit dans le tissu épais des chagrins de la vie... Au point que l'on finit sur un éclat de rire après avoir commencé dans les larmes...

dimanche 28 octobre 2012

Juste avant

C'est certain, la tempête Sandy va frapper, on ne sait pas encore si ce sera très fort ou très très fort mais les écoles seront fermées pendant 2 jours... Et les consignes de sécurité sont rappelées partout : acheter de l'eau, des réserves de nourriture pour 72 heures, des piles pour les lampes électriques et les postes de radio qui permettront de rester informer, faire le plein d'essence (au cas où il faudrait quand même sortir), ne rien laisser dehors qui risque de devenir un dangereux projectile dans le vent fou (chaise de jardin, jouet, outil...) et s'efforcer de dégager les gouttières et les caniveaux encombrés de feuilles mortes, pour laisser passer l'eau qui va déferler...

Les feuilles mortes...
Jusqu'à présent, c'était si joli ! Un bel automne coloré, romantique et si doux...
Il restait bien sûr cette triste histoire de fleur...
Devant la maison, près de la lanterne japonaise, un petit rosier s'obstine à fleurir fidèlement, une rose à la fois, comme un baiser rouge qui s'offre aimablement à la caresse des regards.
Malheureusement, pour la seconde fois, un passant indélicat a cueilli la petite rose épanouie si près du chemin des promeneurs... Quel vide en rentrant ! Quelle tristesse quand on pense qu'un individu de passage a pu couper la fine tige inoffensive (même pas les 4 épines de la rose du Petit Prince...) et priver tous les autres de la joie douce d'un petit baiser rouge ! On avait cru pourtant qu'une fois suffirait... Est-ce la même main qui est revenue dérober une seconde rose ? Faut-il désormais craindre tous les passants, accrocher un panneau d'interdiction, installer une clôture autour du parterre ?
Parmi ces tristes pensées, une idée s'est imposée : recourir au pouvoir des fleurs elles-mêmes... Et voilà comment 3 pieds de chrysantèmes sont venus entourer le vaillant petit rosier.




Mais ce soir, il y aura bien autre chose qu'une bataille de fleurs autour de la jolie lanterne japonaise...

lundi 15 octobre 2012

Lettres d'amour

Une "citation du jour" trouvée ce matin : "Les seules lettres d'amour qui aient quelque utilité sont les lettres de rupture." L'auteur s'appelle Etienne Rey mais on n'en sait pas plus... En voilà un provocateur !
Bien sûr, il parle pour un temps où l'on échangeait des lettres... Bien loin des amours du XXIe siècle, qui se nourrissent par téléphone portable de "texts" ou de "twitts".
Pourtant, il veut unir le concept d'utilité avec celui d'amour... Posture anti-romantique ou lassitude de grand séducteur ? Aurait-il reçu trop de lettres maladroites dans leur sincérité désespérée, alors qu'il ne savait plus comment se défaire de liens étouffants ?
Mais il reste une autre hypothèse : cette amertume ne serait-elle pas plutôt l'aveu d'un homme qui n'a pas connu le bonheur d'être comblé ?... Aigri dans la vaine attente du papier plié porteur des mots qui ne sont jamais venus... Les mains et le coeur à jamais vides devant l'écritoire inutile.
Pour la défense de l'utilité (oh le vilain mot) des lettres d'amour et pour l'illustration de leurs qualités, on a l'embarras du choix. Un petit tour chez Musset ?

A George Sand, sans date, juillet 1833
Mon cher George, j'ai quelque chose de bête et de ridicule à vous dire. Je vous l'écris sottement au lieu de vous l'avoir dit, je ne sais pourquoi, en rentrant de cette promenade. J'en serai désolé, ce soir. Vous allez me rire au nez, me prendre pour un faiseur de phrases dans tous mes rapports avec vous jusqu'ici. Vous me mettrez à la porte et vous croirez que je mens. Je suis amoureux de vous.


mercredi 10 octobre 2012

Puisqu'il faut bien vivre l'automne...

... et regarder les arbres changer sous le ciel tourmenté, et retrouver le romantisme inévitable de ce temps, prenons conseil. 
Dans un effort constant pour apprécier la littérature de langue anglaise, Myosotis a découvert LIN Yutang, un écrivain chinois, ça commence bien, mais aussi célèbre pour ses oeuvres en chinois qu'en anglais. Et pour parler de l'automne, il a des accents qui retiennent l'attention... Est-ce l'effet d'un double exotisme produit par la rencontre de la sagesse orientale avec l'efficacité pragmatique de la langue anglaise ?
En tout cas, voici un essai de traduction en français :

J'aime le printemps mais il est trop jeune. J'aime l'été mais il est trop orgueilleux. C'est donc l'automne que je préfère, car ses feuilles sont un peu jaunes, il a le ton plus doux, des couleurs plus riches, et il se teinte d'un peu de chagrin et de prémonition de la mort. Sa richesse dorée ne parle pas de l'innocence du printemps, ni de la puissance de l'été, mais de la douceur et de la gentille sagesse de l'âge qui approche. Il connaît les bornes de la vie et s'en contente. De la connaissance de ces limites et de la richesse de son expérience se fait jour une symphonie de couleurs sans pareille, vert pour parler de vie et de force, orange pour dire un bien-être doré et pourpre de la résignation et de la mort.
 C'est un peu plus amer et incisif que les beaux alexandrins de Lamartine mais ce n'est pas moins doux... Une façon de chanter en gardant les pieds sur terre...

mardi 2 octobre 2012

Un jour de pluie...

... on fait avec, même si la pluie est vraiment abondante et ne faiblit pas. On a pris rendez-vous chez le garagiste pour changer quantité de choses dans le système de freinage de la voiture, il faut bien ça vu le nombre de miles parcourus chaque jour. Le garagiste est tout à fait honnête homme et ne manque jamais de proposer : "Do you want me to drop you somewhere ?"
Aujourd'hui, plus que jamais, Myosotis est bien contente de profiter de l'offre : on sera mieux au sec, à la maison, en attendant que les réparations soient finies. On se dirige donc très vite vers la voiture du garagiste, vieil homme barbu un peu bedonnant et qui empeste le tabac, tandis qu'un employé prend sans attendre le volant du véhicule à réparer pour le conduire dans l'atelier.
On s'installe à bord, le garagiste ignore superbement le signal sonore qui lui suggère de boucler sa ceinture de sécurité, Myosotis se dit qu'après tout, ce monsieur a de l'expérience et que ce n'est pas si important, on démarre.
Voilà le vieux garagiste qui explique ses soucis de ce début de matinée : il était coincé au téléphone avec son pharmacien et son médecin, pour une histoire de traitement à mettre en place... Myosotis compatit et se concentre pour ne rien rater de l'explication en américain peu articulé.
Le téléphone portable du vieil homme retentit (sonnerie traditionnelle, toujours amusante par le contraste qu'elle souligne entre les combinés du siècle dernier et les petits boîtiers de poche de notre époque). Contre toute attente (et contre les espoirs de Myosotis qui sait que c'est dangereux et illégal), le vieux garagiste extrait son téléphone de l'étui qu'il porte à la ceinture et prend l'appel, heureusement bref. Pas de policier en vue, tout va bien, l'averse continue et le trafic est fluide...
Le garagiste, tenant le volant d'une main experte sans doute, raccroche et range le téléphone en soupirant, puis explique : c'est encore le docteur, il faut absolument aller chercher un médicament précis au cabinet... D'ici quelques jours, il doit se faire opérer de la cataracte, car il n'y voit plus rien du tout !
Vraiment !!!?

lundi 17 septembre 2012

Myosotis à Tokyo

Au fil du temps, les souvenirs du voyage de juin prennent leur juste place dans la mémoire de la voyageuse maladroite. Partir au Japon, c'était l'espoir de voir enfin de vrais jardins avec de vraies lanternes ; on n'a pas été déçu





Mais Tokyo est avant tout une capitale et les millions de gens qui y vivent travaillent et se débrouillent avec peu d'espace pour la vie quotidienne. Les voitures et les camions sont plus petits qu'à Washington DC (et la taille des pneus, plus petite également, est peut-être une raison qui rend le traffic moins bruyant...)

On range tout ce que l'on peut, partout où c'est possible. Quand on a de la place, on gare un véhicule. Sinon, on installe un parking à vélos (parfois vertical pour gagner encore de la place). Et sinon, on met des pots de fleurs de toutes les tailles ou des arbres bien soignés...
Et par-dessus tout, on essaie de rendre jolis les endroits les plus visités, jolis jusqu'aux pavés des trottoirs.

mercredi 22 août 2012

Lettres de noblesse

L'été qui s'achève a apporté son lot de révélations... De quoi conférer à Myosotis divers titres de noblesse auxquels elle ne pensait pas prétendre...


D'abord, en juin, ce fut le merveilleux cadeau d'un voyage au Japon (pour accompagner le Grand Chêne au travail) : rencontre rêvée avec un ailleurs longtemps idéalisé, choc culturel, découvertes en tout genre... Mais le corps (en particulier l'estomac...) est un mauvais compagnon de voyage qui ne se plie pas volontiers au décalage horaire... Et par-dessus tout ça, pour avoir oublié de consulter ses emails, Myosotis a manqué un rendez-vous avec un ami de longue date fixé à Sendai... Elle est donc revenue piteuse et nauséeuse, des images plein la tête mais archiduchesse des voyageurs maladroits.
En juillet, le Grand Chêne toujours au travail, Myosotis avait à accueillir une proche petite famille venue tout exprès de France... On avait composé un programme, proposé des activités, visites et sorties... C'était sans compter avec certaines résistances adolescentes. Myosotis s'est ainsi retrouvée marquise des mères naïves et des tantes pleines de bonnes intentions sans bons résultats.

En août, quand enfin le Grand Chêne a pris des vacances, le petit jardin est parti vers le sud, sur la côte atlantique, dans les Outer Banks. Une belle plage interminable bordée de dunes, des ciels merveilleux parcourus de nuages variés (pas toujours orageux), des fragments de coquillage polis par les vagues dans le sable fin... Depuis longtemps membre du club des mauvais nageurs frileux, Myosotis a découvert qu'elle est aussi comtesse des vacances au vinaigre : pour un appareil dentaire oublié par Petit Sapin, fallait-il passer une heure à trier (en vain) les poubelles dans l'arrière-cuisine du restaurant ? Pour un mauvais matelas, dans la location jolie mais vétuste, fallait-il choisir de dormir sur le sol, sur un tas de couvertures enveloppé d'un drap ? Et pour des jours de compétitions olympiques retransmises à la télévision, fallait-il sans cesse se laisser submerger par l'émotion des vainqueurs (et des autres) ?
Myosotis s'apprête donc à vivre la rentrée nantie de tous ces titres rudement gagnés... Il va falloir du temps, de l'humilité et de l'humour pour que le meilleur de cet été 2012 surnage et prenne le dessus dans les souvenirs. Cet élitisme de la mémoire est-il un apanage naturel de la noblesse ?

vendredi 25 mai 2012

Chutes

Pour fêter la retraite de sa Maman venue de France et lui offrir un moment de liberté, Myosotis avait tout organisé depuis des mois : l'itinéraire, la location d'une voiture, la réservation d'une chambre d'hôtel...
Puis le moment est venu. Presque 10 heures de voyage dans des paysages variés (en passant par la très jolie Pennsylvanie) et enfin, Niagara Falls.
Côté américain, le large fleuve d'abord tranquille,

puis les rapides


et enfin l'à-pic vertigineux où l'eau s'effondre dans un grondement vaporeux...


Côté canadien, de grands hôtels qui regardent les chutes, et des projecteurs qui s'allument le soir en changeant régulièrement de couleur...

Un lieu mythique envahi de touristes mais fascinant quand même, parce que tant que l'eau du lac Erié coulera vers le lac Ontario en franchissant ce grand saut, cela fera du bruit...
Une belle balade.

Pourtant, au retour, alors que l'on revenait du bonheur en tête, une autre chute est venue altérer le cours de la vie (pour reprendre la métaphore du long fleuve tranquille, à la suite de Lorraine).
Là-bas, en France, le merveilleux regard d'un oncle chéri vient de s'éteindre. Il était âgé et malade, il savait qu'il touchait au terme de sa vie et n'en demandait pas plus. On se consolera en pensant qu'il est soulagé de ses peines...
Mais cher Tonton Jean, comme tu vas nous manquer ! Avec ta charité discrète, ta patience inaltérable, ton humble gentillesse, tu as offert à mon enfance une oasis de paix dont j'avais bien besoin.
Il n'est pas possible de redire tout le bien qui rayonnait de ton sourire si doux, ni de te remercier pour tout ce que tu as fait (en plus des jolis meubles sur-mesure !). Et les larmes coulent, plus fortes que tous les efforts pour être raisonnable... C'est un Niagara de tendresse désolée...
La paix va revenir, bien sûr...
Qu'elle vienne d'abord pour toi...
Et, pour la dernière fois : je t'embrasse de tout mon coeur.


dimanche 22 avril 2012

Et peut-être la paix...

Aujourd'hui, il a plu. Longuement. Pas si désagréable, une longue pluie dominicale sur les buissons et les gazons qui l'attendaient... Il fait encore froid, mais on se dit que cette fois le mauvais temps aura de bons effets sur les jardins.
On s'entraîne à la patience.
Et on va visiter une exposition à la National Gallery of Art.
Pour fêter les 100 ans du cadeau de 3000 cerisiers par le Japon aux USA, le festival de Cherry Blossom dure un mois cette année. Et Le Japon a prêté (pour un mois aussi) une collection de peintures sur soie du peintre Jakuchu, si célèbres et si peu souvent exposées ensemble que des Japonais ont fait le voyage pour venir les admirer ici...

C'est merveilleux de finesse et de profondeur. Chaque peinture s'accompagne d'une méditation sur les symboles et le message qu'elle entend illustrer. En observant les détails (grossis sur des clichés exposés dans la salle suivante), on se prend à s'interroger sur le matériel utilisé par l'artiste... Cela existe donc, des pinceaux si fins ? Avec un seul poil ?

Mais la grande salle qui présente les 27 tableaux de part et d'autre, avec 3 portraits de sages bouddhistes en triptyque perpendiculaire, semble trop petite pour contenir la foule. On s'efforce de se concentrer en partageant courtoisement l'espace, on se bouscule et on s'excuse (quand on y pense), certains laissent de bonne grâce Petit Lierre se faufiler plus près, d'autres feignent la surdité et demeurent sans bouger, plantés devant l'oeuvre qu'ils veulent sans doute s'approprier. D'autres encore manifestent leur exaspération : comment tant de gens osent-ils s'immiscer entre l'art et eux ? Enfin, n'est-il pas évident à leur mise (chapeau incroyable et robe chic pour les dames, bras croisés derrière le dos et lunettes demi-lune pour les messieurs) que cette exposition s'adresse d'abord à eux, les véritables amateurs éclairés ?
Qu'ils restent où ils sont, on va plus loin s'extasier sur autre chose...
Bien sûr, tout cela gagnerait à être vu dans la sérénité d'un temple japonais cerné de jardins sous la lune. Mais il faut saisir le moment et goûter ce qui est offert, de bon coeur... C'est bien plus sage. Et l'on en gardera longtemps le souvenir... Et l'on y repensera sous la pluie interminable...
Dans le joli trésor de ces images admirées un moment, si l'on mettait en réserve un peu de bonheur ? Un peu de lumière ? Et peut-être la paix ?

mercredi 11 avril 2012

Temps de cochon


... c'est exactement ce que l'on pense en regardant par la fenêtre les branches secouées par le vent froid sous un ciel gris menaçant.
Certains buissons d'azalées ont déjà sorti leurs pétales et semblent le regretter, les arbres se couvrent peu à peu de verdure mais avec hésitation...
Petit Sapin et le Grand Chêne sont partis au travail avec leur gros manteau d'hiver.
Ce n'est pas que l'on se plaigne : après tout, les vacances en ordre dispersé (chacun son tour pendant tout le mois d'avril) ne s'en déroulent pas moins bien. On fait de petites activités "hivernales", quelques courses, un peu de cuisine, et personne ne s'ennuie.
Mais c'est vraiment un temps de cochon.
La preuve : Petit Lierre a perçu cette atmosphère automnale et parle d'aller acheter des citrouilles...

mardi 10 avril 2012

Après Pâques avec Victor hugo

Un bien joli morceau de poésie inattendue. On n'en a jamais fini avec les surprises dans l'oeuvre de ce poète !
Bourgeois parlant de Jésus Christ, extrait du recueil posthume Toute la Lyre :

- Sa morale a du bon. -Il est mort à trente ans.

- Il changeait en vin l'eau. -Ça s'est dit dans son temps.

- Il était de Judée. -Il avait douze apôtres.

- Gens grossiers. -Gens de rien. -Jaloux les uns des autres.

- Il leur lavait les pieds. -C'est curieux, le puits

De la Samaritaine, et puis le diable, et puis

L'histoire de l'aveugle et du paralytique.

- J'en doute. -Il n'aimait pas les gens tenant boutique.

- A-t-il vraiment tiré Lazare du tombeau?

- C'était un sage. -Un fou. -Son système est fort beau.

- Vrai dans la théorie et faux dans la pratique.

- Son procès est réel. Judas est authentique.

- L'honnête homme au gibet et le voleur absous!

- On voit bien clairement les prêtres là-dessous.

- Tout change. Maintenant il a pour lui les prêtres.

- Un menuisier pour père, et des rois pour ancêtres,

C'est singulier. -Non pas. Une branche descend,

Puis remonte, mais c'est toujours le même sang;

Cela n'est pas très rare en généalogie.

- Il savait qu'on voulait l'accuser de magie

Et que de son supplice on faisait les apprêts.

- Sa Madeleine était une fille. -A peu près.

- Ça ne l'empêche pas d'être sainte. -Au contraire.

- Etait-il Dieu? -Non. -Oui. -Peut-être. -On n'y croit guère.

- Tout ce qu'on dit de lui prouve un homme très doux.

- Il était beau. -Fort beau, l'air juif, pâle. -Un peu roux.

- Le certain, c'est qu'il a fait du bien sur la terre;

Un grand bien; il était bon, fraternel, austère;

Il a montré que tout, excepté l'âme, est vain;

Sans doute il n'est pas dieu, mais certe il est divin.

Il fit l'homme nouveau meilleur que l'homme antique.

- Quel malheur qu'il se soit mêlé de politique !



jeudi 5 avril 2012

Chemin de Croix

C'est la Semaine Sainte. Et voici le Triduum.
Tant de lectures et de prières bien connues... A reprendre, à redécouvrir, à méditer comme chaque année. Il y a toujours le risque de s'endormir, alors même que l'on devrait s'éveiller à l'Essentiel...
Et soudain, au hasard d'une revue feuilletée distraitement, un autre regard sur la Passion : les moulages de Virginia Maksymowicz...

Jésus est condamné à mortJésus prend sa croix

Première chuteJésus rencontre sa Mère Simon de Cyrene réquisitionnéVéronique essuie Son visageDeuxième chute
Aux femmes de JérusalemTroisième chuteJésus dépouillé de ses vêtementsCloué
MortDescendu de la croix
Déposé au tombeau
Où l'on comprend que l'on peut toujours avoir des belles suprises qui nous aident à ouvrir les yeux et le coeur...

mercredi 21 mars 2012

Les choses par leur nom

Les deuils de l'actualité explosent, débordent sur les évènements quotidiens et teintent chaque pensée de chaque moment d'une indéfinissable grisaille...
On s'apitoie, on s'irrite, on multiplie les grandes déclarations comme si les trésors de l'éloquence allaient apporter quelque réconfort...
Un mot, un seul, semble pourtant suffisant. On peut le trouver dans le Testament spirituel du Père Christian de Chergé, Abbé de Tibhirine assassiné avec six de ses frères pour avoir voulu rester au service de leurs amis algériens :

S'il m'arrivait un jour - et ça pourrait être aujourd'hui - d'être victime du terrorisme (...), j'aimerais que ma communauté, mon Eglise, ma famille, se souviennent que ma vie était donnée à Dieu et à ce pays.
Qu'ils acceptent que le Maître unique de toute vie ne saurait être étranger à ce départ brutal. Qu'ils prient pour moi (...). Qu'ils sachent associer cette mort à tant d'autres aussi violentes laissées dans l'indifférence de l'anonymat. Ma vie n'a pas plus de prix qu'une autre. Elle n'en a pas moins non plus. En tout cas, elle n'a pas l'innocence de l'enfance.
J'ai suffisamment vécu pour me savoir complice du mal qui semble, hélas, prévaloir dans le monde, et même de celui-là qui me frapperait aveuglément.(...)

Il faut appeler les choses par leur nom. Ce qui se révèle dans les faits mis en lumière par l'actualité, c'est le mal... Un mystère qui n'épargne personne, dans aucun aspect de l'existence.
Cela dit, il reste à penser, à méditer... A prier...

lundi 5 mars 2012

Histoires de temps

Le temps qu'il fait : d'une journée de chaleur à une série de jours très froids, puis 12 heures de pluie torrentielle, et encore du froid et une matinée de neige fine, avant une grande éclaircie suivie d'une averse de gros flocons serrés...
Le temps qui passe : ne surtout pas se débarrasser des vêtements d'hiver, et s'ils deviennent trop petits, il en faut d'autres pour la même saison ! Sans oublier qu'il peut se mettre à faire très chaud d'un jour à l'autre...
Le temps qui s'enfuit : ce matin, déposer à l'école Petit Bouton d'or et ses cochons d'Inde (mascottes de sa classe, qui ont passé le week-end avec nous) ; puis déposer Mademoiselle Bee, tout son matériel et son boeuf bourguignon (c'est pour son sujet de Travail Personnel Encadré, sur la représentation des inégalités sociales à travers la nourriture chez Zola et Maupassant... Un oral blanc avant le bac !) ; puis déposer Petit Lierre, tout heureux d'étudier la lettre S, avec en guise d'exemple le mot SUN...
Et l'après-midi, 12:45, reprendre Petit Lierre ; 2:15 conduire Petit Sapin chez le médecin pour un vaccin ; 3:00, reprendre Petit Bouton d'or à l'école et aller chercher Petit Sapin vacciné ; 4:00, déposer celui-ci chez le dentiste puis laisser les deux plus jeunes à la maison (enfin !) ; 4:30, reprendre Petit Sapin et aller chercher Mademoiselle Bee au lycée français.
5:00 : un message de Mademoiselle Bee : elle passera son oral blanc avec du retard et ne sortira pas avant 5:40... Hum hum, Petit Sapin doit être à 6:00 à un tout autre endroit pour une formation en vue des Summer Camps auxquels il va désormais participer comme animateur. Il y a conflit entre les emplois du temps... Mais ça va aller, ça va aller...

Lequel d'entre vous, à force de soucis, peut rajouter à sa vie ne serait-ce que la longueur d'une coudée ? (Matt., 6, 27)

mardi 14 février 2012

De saison

Le Grand Chêne est presque sorti de son gros rhume mais Petit Lierre vient de commencer le sien. Les deux virus ont des effets objectivement différents, mais la plus grande différence est que lorsque le Grand Chêne est malade, après avoir toussé dans son lit une partie de la nuit, il va tousser au bureau toute la journée. C'est ça, être un adulte responsable...
Dans les deux cas, bien sûr : Mais quand Petit Lierre est malade, il reste au chaud et il a besoin de soins toute la journée. Des mouchoirs, des câlins, des jeux, toutes sortes de tentatives pour le faire boire (ça marche) et manger (ça marche moins bien). Tout cela en essayant de lui faire prendre quelques précautions élémentaires :
"Mets ta main devant ta bouche quand tu tousses, mon trésor... Il ne faut pas me donner tes microbes... Qui va soigner Maman, si elle est malade ?"
Et le bon sens en personne apporte la réponse avec la voix enrouée du charmant petit bonhomme :
"Personne."
...

lundi 6 février 2012

Prom

Mademoiselle Bee est en classe de première au lycée français de Washington DC. Comme tous les lycéens de France, elle va passer en juin prochain les premières épreuves du baccalauréat. Mais une autre grande étape l'attend cette année, dans la plus pure tradition américaine, et sa profonde francophilie s'en accomode très bien : le bal de prom.
Ce joli évènement (prom est un abrégé de promenade !) accompagne la remise du diplôme de fin de High School, les élèves américains quittant le lycée un an plus tôt que les élèves français. Il s'agit d'une soirée habillée, très formelle, suivie d'une autre soirée nettement moins formelle, l'after-prom, qui empêche longtemps à l'avance les parents de dormir.
Il va falloir penser sérieusement à tout ça. S'assurer que l'organisation de la prom elle-même est faite avec sérieux et que le bal sera surveillé par des chaperones (sic) de confiance. Et bien s'assurer que l'after-prom aussi sera une véritable fête et non l'occasion d'une inqualifiable débauche. Il faut choisir les amis avec lesquels elle ira et le lieu précis où ils finiront la soirée. C'est le moment de ressortir la panoplie de parents intraitables pour négocier sur des bases solides...
Mais avant cela, il y a cet instant magique... On entre dans le grand magasin et on s'approche du rayon de robes chatoyantes en laissant Mademoiselle Bee jeter un premier coup d'oeil... Le sol tremble un instant sous les pas, les lumières et les couleurs valsent derrière les paupières qui se ferment avant de se rouvrir très vite, tandis que le coeur bat très fort...
Nous y sommes, voilà...
Vas-y...
Choisis ta robe, ma belle...

vendredi 20 janvier 2012

Le temps qui passe

Quand nous changeons de calendrier, les pensées qui surviennent ne sont pas toutes du même ordre...

Il y a le désir immense de voir tous ceux que nous aimons vivre une nouvelle année heureuse, sereine, belle et bonne... (Et même ceux que nous n'aimons pas parce que nous les connaissons trop peu ou trop mal... ) Nos voeux les meilleurs, en somme.

Il y a le souci immédiat de ne pas oublier les repères placés sur le calendrier 2011 : une semaine sur deux, comme ceci, l'autre semaine, comme cela, avec tel et tel rendez-vous médical ici, le dentiste là, l'orthodontiste aussi... Certaines promesses semblent lointaines (le joyeux rendez-vous des vacances, la visite de Mamie Jardinette...), d'autres presque trop proches déjà (le bac de français de Mademoiselle Bee...).

Il y a les calculs de Petit Sapin qui explique, avec un grand bon sens : "C'est normal que le temps semble passer plus vite quand on vieillit... Au début, un an, c'est énorme par rapport à l'existence totale d'un bébé ou d'un enfant... Mais quand on a 10 ans, c'est le dixième... Et à 20 ans, c'est le vingtième seulement... Et à 40 ans..." C'est pourtant vrai !

Il y a enfin le sentiment indéfinissable du temps qui passe. On le perçoit à certains signes : la succession des saison ou la belle barbe poivre-et-sel que le Grand Chêne se laisse pousser... Et l'on se demande ce qu'est le temps, au fond, et ce que nous y devenons...
L'heure de philosopher a sonné :

En réalité, le passé se conserve de lui-même, automatiquement. Tout entier, sans doute, il nous suit à tout instant : ce que nous avons senti, pensé, voulu depuis notre première enfance est là, penché sur le présent qui va s'y joindre, pressant contre la porte de la conscience qui voudrait le laisser dehors. (...)
Sans doute nous ne pensons qu'avec une petite partie de notre passé ; mais c'est avec notre passé tout entier, y compris notre courbure d'âme originelle, que nous désirons, voulons, agissons. Notre passé se manifeste donc intégralement à nous par sa poussée et sous forme de tendance, quoiqu'une faible part seulement en devienne représentation.

De cette survivance du passé résulte l'impossibilité, pour une conscience, de traverser deux fois le même état. Les circonstances ont beau être les mêmes, ce n'est plus sur la même personne qu'elles agissent, puisqu'elles la prennent à un nouveau moment de son histoire. Notre personnalité, qui se bâtit à chaque instant avec l'expérience accumulée, change sans cesse. (...)

Ouf. (Merci Henri Bergson, dans l'Evolution créatrice.)