jeudi 22 mars 2018

Pédagogies

Lorsque Myosotis est devenue professeur, en 1993, elle est passée par la case "IUFM" à Rennes. Au fil des années, elle a acquis un peu d'expérience sur le terrain mais les stages suivis ici et là sont allés dans le même sens que cette formation de départ.
On lui a appris que le problème, le grand fléau, le Mal suprême, c'est la situation héritée du Moyen Âge, matérialisée par la disposition d'une salle de classe traditionnelle :

(Le prof professe et les élèves sont élevés.)
Cette situation obscurantiste est demeurée inchangée jusqu'au XXe siècle, malgré les apports louables de la Modernité :
(On notera que le prof y a gagné la certitude de ne plus se faire une entorse ni tomber dans la poubelle en arrivant au bout de l'estrade.)
Enfin, les Pédagogues, les vrais, sont intervenus :
(Nonobstant le léger inconfort des apprenants placés dos au tableau et de l'enseignant sollicité de toute part, des pratiques innovantes sont devenues possibles, dans des conditions qui ont prouvé aux apprenants l'inutilité de regarder au tableau.)
À cette nouvelle disposition de l'espace-classe, les progrès techniques ont apporté une autre amélioration notable :
(Le prof désormais muni d'un ordinateur relié au monde n'a plus qu'à apprendre à s'en servir et à surmonter les défaillances variées du système, tout en s'assurant que les apprenants ne vont pas trop loin dans leurs initiatives individuelles.)

Du Moyen Âge au XXIe siècle, le rapport entre maître et disciples, prof et élèves, enseignant et apprenants, a été repensé, ajusté, réorienté. Mais le grand absent de tous ces schémas, le point central qui finit par laisser un grand vide, c'est... le savoir. Ce trésor que l'on veut transmettre et qui donne son sens au métier d'enseignant, le contenu qui justifie tout effort d'apprentissage, de lui on ne voit pas trace.
Cependant quelle que soit la couleur du tableau, quels que soient la disposition du mobilier et les moyens pédagogiques mis en oeuvre, où puise le prof qui met tout son coeur et toute son expérience à faire partager la beauté de l'alexandrin de Racine, la tournure impeccable de Cicéron, l'incroyable manoeuvre de Salamine ? Et d'où naîtra la motivation de l'enfant qui l'écoute (peut-être) et qui voudra (qui sait) approfondir ce qui aura éveillé son intérêt ?
Il reste peu de chose pour motiver les investissements pédagogiques les plus ingénieux si le système tourne à vide.
Myosotis donne sa démission le 18 juin prochain. Une façon comme une autre de répondre à l'appel de sa conscience professionnelle...